Кафедра и трон. Переписка императора Александра I и профессора Г. Ф. Паррота — страница 28 из 183

à dire par quelle raison ils paraissaient en foule et armés, et à répondre aux questions qu’on leur ferait. Là-dessus quelques-uns d’eux s’avancent hors de la multitude, le chapeau sur la tête, les bâtons levés, gesticulent avec leurs chapeaux, se frappent à la poitrine, tombent à genoux et s’écrient qu’ils veulent défendre leurs frères jusqu’au sang. (Quel moment intéressant! Combien de périodes à distinguer dans ce peu de lignes! Que d’instants perdus pour la cause de l’humanité!) Au lieu de cela on fait parade du vœu du Monarque. Les paysans répondent que les juges et le militaire sont gagnés par les seigneurs, qu’ils veulent avoir des juges et des soldats de Pétersbourg qui leur donnent le vrai Ukase de l’Empereur, que ce qu’on leur a publié n’est pas la volonté du souverain qui veut leur accorder la liberté comme à ceux des environs de Pétersbourg, enfin qu’ils veulent obéir, mais uniquement aux ordres de l’Empereur. La foule conforme ces déclarations par signes et cris. On entendit même dire: «Pourquoi parler si longtemps. Assommez le vieux juge».

Cependant les pourparlers durent encore; enfin le tribunal croyant ne pouvoir faire entendre raison à la multitude ordonne au militaire de charger à balles. Les paysans répondent par des bravades qui firent assez d’effet sur les juges pour que malgré leur envie d’en venir d’abord aux mains avec les paysans, ils conservèrent assez de sang froid pour sentir que, vu le nombre des ennemis et le désavantage du terrain, ils auraient le dessous.

Ces raisons et surtout le désir d’épargner le sang engagèrent les juges à temporiser avec les paysans jusqu’à l’arrivée d’un renfort d’artillerie volante qu’on mande à la hâte de Wenden. Cependant la multitude augmentait pendant la journée au point que sur le soir il y avait près de 3000 paysans attroupés; pour plus de sûreté on fit venir de Ronnebourg un détachement de dragons de plusieurs compagnies, et on ferma les passages sur l’Aa.

À ces pourparlers succède un long calme, puis de nouveaux mouvements; les paysans demandent à grands cris l’élargissement de leurs camarades. Les juges se mettent en marche vers la foule, et remontrent le Lieutenant Nottbeck amener deux députés des paysans, qui demandent à leur parler. Ils promettent au nom de l’attroupement de se retirer pourvu qu’on veuille relâcher leurs camarades. On leur refuse. Alors ils demandent que le prince Golitzin se rende sur les lieux, pour qu’ils puissent lui parler. (Qui ne voit ici le besoin que ces malheureux sentaient de placer leur confiance en quelqu’un qui ne fut pas intéressé à leur nuire? Et n’y avait-il pas de la barbarie à leur refuser ce que tant de vexations leur donnaient un droit de demander?) On leur donne l’espérance que peut-être le Gouverneur général arriverait le lendemain au soir. Ce peut-être suffit déjà pour les calmer. Ils promettent d’être tranquilles en déclarant cependant qu’ils resteront en place jusqu’à son arrivée. Ils tiennent parole, malgré le rapport que fit un soldat qui prétendait avoir ouï dire qu’ils attaqueraient les troupes dans la nuit.

La nuit tout est tranquille. L’artillerie et les artilleurs mandés de Wenden arrivent, de même qu’un nouveau détachement de 403 Soldats du 3e bataillon d’artillerie, armés de sabres et de bâtons.

Le lendemain matin, le 10, la foule paraît inquiète et disposée à l’attaque. Le tribunal s’y transporte, essaie en vain de la disposer à l’obéissance, et demande qu’on livre des chefs (de quel droit, puisqu’il existait de la veille un traité qui devait durer jusqu’à l’arrivée du Gouverneur général?). Les paysans n’ont pas la lâcheté de les livrer (ils sont encore persuadés de la justice de leur cause). Le tribunal envoie un détachement de soldats pour les saisir, s’en rapportant pour cette expédition à la seule sagacité du soldat. Le détachement est repoussé. Les premières hostilités étant donc commises de la part des paysans, le juge ordonne à six grenadiers de faire feu sur les rebelles, dans une direction basse. Cela ne faisant pas d’effet on fait tirer plus haut par 6 grenadiers de plus. Le temps coule: deux hommes tombent. La foule avance. On tire un coup de canon, plusieurs hommes tombent; la foule avance encore. On tire un second coup; la foule commence à se retirer et à se tenir coi. On renouvelle les pourparlers, mais les paysans déclarent qu’ils ne livreraient point leurs chefs, qu’ils ne se retireraient pas et qu’ils n’obéiraient pas à leurs seigneurs. Cependant ils se retirent et disparaissent entièrement. Le champ de bataille offre 4 tués et 17 blessés dont 6 meurent le lendemain (le protocole ne dit pas combien il en mourut ensuite). Les morts furent enfouis (verscharrt) sur les lieux.

Cependant l’ardent juge croit n’avoir pas assez de victimes. Il se dispose à poursuivre la foule dans les bois et n’attend pour cette nouvelle expédition qu’un renfort de dragons qu’il a déjà mandé. Les dragons arrivent dans la nuit et ne trouvent heureusement plus de paysans à massacrer.

L’après-dîner de cette journée déplorable l’écurie à vaches du seigneur est incendiée, et le juge, par la seule raison des progrès rapides de l’incendie, en rejette la faute sur les rebelles, sans pouvoir trouver le coupable. (Où l’aurait-t-il trouvé? La foule était dispersée, les troupes environnaient les bâtiments du seigneur. Et quelle prouve que celle de la rapidité de l’incendie? J’ai sur le lieu des consultations vu une écurie à vaches, longue de 85 toises réduite en cendres d’un coup de foudre dans moins d’une demie heure, malgré tous nos efforts pour la sauver, pendant une pluie que inonde les environs au point de crever une digue qui serait déchaussée).

Le 11 le tribunal termine son inquisition contre les prisonniers. Cette inquisition prouve qu’ils ne sont point coupables de séduction ou d’instigation, mais qu’ils ont été séduits. Et cependant on les punit publiquement de coups de verges en présence du militaire sur le champ de bataille. Et ces mêmes hommes promettent à genoux de rentrer dans l’ordre, d’obéir à leurs maîtres et de leur payer leurs redevances – et tiennent parole.

(Voilà la nation à qui l’on annonce les bienfaits du monarque à coups de fouet, à qui les explique à coups de canon).

Le 12e de nouvelle artillerie arrive, de même qu’un détachement de cosaques. Le tribunal se rend à une terre voisine à la prière du seigneur. Les paysans s’y rendent d’eux-mêmes et comparaissent. Ils témoignent du repenti, demandent pardon promettant obéissance, et le seigneur a la générosité de leur pardonner.

Les cosaques amènent 4 chefs de rebelles. Ils déclarent que l’ukase publié est fausse, que les juges et le militaire sont corrompus par les seigneurs et qu’ils ne veulent se soumettre qu’à l’Empereur. Ces 4 chefs sont amenés à Riga pour y être punis exemplairement, et malgré l’amnistie accordée, on inflige à 9 paysans de coups de verges en présence de toute la commune assemblée4.

Pour joindre le ridicule à la barbarie, le juge fait déclarer aux paysans révoltés et soumis qu’ils n’ont point à se plaindre de leurs maîtres et prenant l’air d’un Bonaparte il recommande très particulièrement les officiers qui se sont distingués dans cette importante expédition.

7. G. F. Parrot à Alexandre IER

[Saint-Pétersbourg, 28 octobre 1802]1


Sire,

Le Prince Czartorinsky qui a plaidé avec tant de zèle et succès la cause de notre université auprès de V. M. m’a effrayé hier matin en m’avertissant que peut-être je ne pourrais pas obtenir sitôt que je le souhaite l’acte de fondation que j’espère obtenir de V. M. I., par la raison que ce serait exciter la jalousie des autres universités, notamment celle de Moscou, que de nous accorder sitôt notre demande2.

Sire, ce serait me rendre coupable de trahison envers votre personne sacrée que Vous offrir des motifs pris dans les principes généreux de la morale. Si Vous voulez nous faire attendre, certainement Vous avez pesé dans la balance de tous Vos sentiments le pour et le contre. Mais ne sera-t-il permis d’ajouter un contrepoids en notre faveur, auquel V. M. n’avait peut-être pas songé. Vous savez, Sire, qu’on veut nous avilir quoique je me sois efforcé de Vous cacher les indignités qu’on commet à notre égard parce que j’ai cru réussir sans Vous les dévoiler. Je l’espère encore; mais enfin Vous savez qu’on veut nous avilir et qu’on n’y réussit que trop. Le seul moyen réel de nous donner la dignité dont nous avons si besoin pour accomplir notre but est un acte de fondation. Il est vrai que nous n’avons à craindre qu’un retard de quelques mois. Mais cet espace de temps est-il peu de chose? Je ne parle pas de moi. Avant-hier matin toutes mes forces appartenaient à l’Université, ma vie à Vous. Dans les moments suivants Vous m’avez élevé au-dessus de moi-même, Vous m’avez consacré en ce que la vertu a de plus sublime. Qu’Alexandre exige à présent que je vive dans l’opprobre s’il le croit nécessaire, il peut compter sur mon obéissance. Mais a-t-il les mêmes droits sur mes collègues? Tant de braves gens doivent-ils être un instant exposés à l’oppression et à l’insulte? Et pourquoi? Pour ménager le préjugé d’une autre université? Et encore si cette idée était fondée! Depuis plusieurs années on travaille à l’édifice de notre Université. L’acte de fondation que nous désirons en est la dernière pierre; et tant d’incertitudes sur le sort particulier de chacun de nous, tant de combats depuis, tant de souffrances ne nous avaient-elles pas appris le droit de voir terminer à présent notre affaire? Sire, voilà le poids que je voulais mettre dans la balance de Votre équité, laissez-lui toute sa force. Je Vous en supplie.

Parrot

Annexe

G. F. Parrot à prince A. Czartoryski

[Saint-Pétersbourg, 28 octobre 1802]


Monsieur le Prince,

Vous avez été l’avocat de notre cause sans avoir précisément d’adversaires à combattre. Veuilles à présent l’être contre Vous-même, en présentant à Sa Majesté la lettre ci-jointe qui contient tout ce qu’il m’a été possible de Lui dire contre Votre opinion de hier matin. Il Vous appartient de pousser jusques là l’amour du bien dont Vous m’avez donné tant de preuves touchantes. C’est une barrière de plus que Vous dépassez à l’autel de la grande cause à laquelle Vous Vous êtes voué, et si l’estime, l’admiration d’un homme, qui n’est rien que par ses sentiments, peut Vous toucher, comptez la mienne en nombre de celles que Vous Vous êtes déjà acquises. Permettez-moi de mettre cette assurance à la place de toute formule.

Parrot

8. G. F. Parrot à Alexandre I