J’ai médité de nouveau toute cette matière et j’ai trouvé la possibilité d’ériger les écoles paroissiales au moins dans les ⅔ des paroisses sans Vous demander des fonds annuels. Si Vous voulez bien y consentir je pourrai Vous fournir pour après-demain le plan sous la nouvelle forme, en français. Si Vous l’agréez la traduction sera bientôt faite.
Veuillez me faire savoir Votre résolution après avoir lu la réfutation. Si Vous pouviez ne Vous régler que sur les principes, je n’aurais pas besoin de faire ce nouveau plan; mais abandonné de tous Vos alentours2 lorsqu’il s’agit d’argent, je sens qu’il faut tenter une autre voie, et j’éprouverai un plaisir bien doux à ce travail.
Quant aux séminaires, c’est en vain que je me tourmente pour parer aux frais3. Il est impossible. Mais, Sire, daignez Vous souvenir que si N. N. fléchit sur ce point pour 15 000 Rbl. comme il le fait, Vous pouvez en accorder le double ou le triple, surtout si Vous lui faites le même offre pour son arrondissement (ne songe-t-il pas à son séminaire de Pétersbourg4 qui n’a pas son analogue chez nous!), et donnez de l’espérance pour les autres, espérance qu’on ne s’empressera sûrement pas de réaliser avant que nous ayons terminé notre ouvrage des séminaires; au bout de ce temps ces fonds seront de nouveau disponibles.
Les écoles de paroisses des villes pourront s’établir sans fonds extraordinaires. Nous avons encore les fonds des collèges des secours publics qui ne sont pas encore attaqués. La moitié suffira à cet objet. L’autre restera destinée aux objets que le Ministre avait assignés sur le tout, à l’achat et l’entretien des bâtiments des autres espèces d’écoles.
Pourquoi faut-il tant de détours pour forcer le Directoire de l’instruction nationale
Il est VIII heures. Je vais prendre quelques heures de repos pour regagner quelques forces en attendant Vos ordres.
Parrot Vous aime de toute son âme!
Pardonnez-moi une mauvaise écriture. Je ne pouvais mieux écrire.
59. G. F. Parrot à Alexandre IER
[Saint-Pétersbourg], 24 avril 1805
Sire!
Vous êtes malade. N’osant être autour de Vous pour Vous soigner comme mon cœur le désirerait, je veux au moins m’approcher en idée de Votre personne chérie, Vous dire, s’il est possible, combien je Vous aime, et Vous causer par là, si je puis, quelques moments agréables, la seule manière qui soit en mon pouvoir d’y parvenir. Je Vous ai déjà dit plusieurs fois que je Vous aime, pour Votre personne seule, pour Vos sentiments tendres et sublimes envers l’humanité, pour Votre cœur, pour tout ce qui est réellement à Vous. Je Vous vois toujours à nu, dépouillé de toute grandeur extérieure, et c’est ainsi que je Vous respecte bien sincèrement. Votre belle âme m’apparaît dans toute sa pureté; je la fais juge de chaque instant de ma vie. C’est en sa présence que je m’applaudis de sentiments honnêtes que j’ai; c’est en sa présence que je rougis des fautes que je commets; c’est devant elle que je Vous accuse de celles qu’on Vous fait commettre. Je la fais juge de toutes mes actions, de toutes les Vôtres. – Alexandre! De jour je pense souvent à Vous, le soir je m’endors avec Votre image, le matin je me réveille plein de Vous, et c’est toujours à l’avantage de ma vertu. Ange tutélaire! Homme pur, que la Providence m’a donné pour m’élever au-dessus de moi-même, conserve à jamais cette place que mon cœur t’a donné1; sois toujours le premier des hommes. O c’est dans un moment pareil où je crains pour ta santé, où mon cœur voit des dangers, peut-être imaginaires, pour ta vie, que je sens bien vivement tout ce qui Tu es pour moi et pour l’humanité. J’ai vu les hommes, je les vois encore sous tant d’aspects différents. Ils ont besoin d’être menés au bien, et ceux qui le pourraient le font si rarement! La Nature semblait s’être réveillée d’un long assoupissement pour produire dans le midi de l’Europe un homme sublime. Il a donné un démenti à la Nature; il a préféré la vile jouissance d’opprimer l’homme aux délices de l’élever; ses talents rares ne servent qu’au mal, et si un jour ils en mènent le bien malgré lui, ce sera au travers d’une suite nouvelle de malheurs. – Mon Alexandre! Vous serez l’homme sublime que son âme étroite n’a pas pu être. La Nature n’ayant pu réussir en Bonaparte fait avec Vous son second coup d’essai. La Providence veut que Vous soyez grand, puisqu’elle Vous a donné tout ce qui faut pour l’être. Un excès de Vertu, s’il est permis de parler ainsi de la Vertu! Un excès de Vertu est Votre seul défaut. Vous tremblez de commettre une injustice et cette crainte paralyse Votre âme, qui a beaucoup plus d’énergie que Vous ne croyez Vous-même. Elle Vous fait oublier que pendant que Vous méditez sur les moyens d’être juste une fois, il se commet cent injustices en Votre nom. Elle Vous fait oublier que le mal que Vous faites peut se réparer, qu’on peut toujours appeler d’Alexandre mal instruit à Alexandre mieux instruit, mais que le mal que d’autres font sous Votre autorité est irréparable parce que l’appel ne peut Vous parvenir que par ceux qui le commettent.
O mon Alexandre! Aimerez-Vous toujours Votre moraliste? Dites-le moi; non pour Vous conserver mon amour, mais pour me donner un instant de délices. – Le ciel Vous protège!
Votre Parrot
60. G. F. Parrot à Alexandre IER
[Saint-Pétersbourg], 1 mai 1805
Sire!
Je suis incertain si Vous Vous souvenez que j’attends Vos ordres pour Vous envoyer mon nouveau plan des écoles paroissiales. Il ne me reste donc que de prendre la liberté de Vous l’envoyer, en priant la providence de veiller sur son sort. C’est le dernier effort que je puis faire; daignez donc, Sire, m’accorder le bonheur de Vous offrir de bouche quelques détails, quelques vues là-dessus, qui ne pouvaient être énoncées dans le plan, et de répondre à quelques difficultés qui peut-être se présenteront encore
J’ai en outre encore des raisons pressantes de Vous demander cette grâce. De tous les autres objets de ma mission ici, aucun n’a été formellement décidé. On se refuse à Vous les présenter, et voilà quatre mois de mon existence écoulés sans gain pour le bien public!!! À Dorpat on s’impatiente de mon long séjour, car quel mortel pourrait n’avoir pas tort lorsqu’il fait des dépenses sans réussir? Ici on fait courir les bruits que je suis disgracié, on se permet même des démarches officielles quoique indirectes contre moi. – Tout est supportable, Sire, quand il s’agit de réussir; mes forces me resteront tant que l’espérance me restera. Mais quand celle-ci s’évanouira?
Mon séjour ici est devenu une lutte qui décidera, à Pétersbourg si le pouvoir ministériel l’emportera sur les vues les plus chères à Votre cœur, en Livonie, si ce que Vous avez fait pour le cultivateur sera illusoire, ou non. – Loin de moi l’idée de Vous porter à des démarches trop peu réfléchies. Vous Vous souvenez sûrement que, dès mon arrivée, moi-même je Vous priai de consulter des personnes instruites sur tout ce que je Vous proposais. Ai-je une seule raison de vouloir Vous tromper? Combien par contre j’en ai de Vous aimer!
Sire! je Vous supplie de m’entendre encore une fois, la dernière fois! après quoi, consolé ou abattu, je retournerai dans mes foyers, je ferai place aux hommes puissants que ma vue offusque. Je ne veux pour moi que l’assurance que je suis encore cher à Votre cœur.
Parrot
Avant d’écrire cette lettre, qui, peut-être, décidera d’une portion si notable du bien public, de la prospérité de l’Université, de mon bonheur individuel, j’ai sondé mon cœur jusques dans ses replis les plus profonds. Je n’y ai trouvé que l’amour pour les hommes et mon amour pour Vous. Si j’y eusse découvert l’égoïsme, je me serais cru indigne de défendre ma cause aussi pure jusqu’à cette extrémité, de la défendre surtout auprès de Vous. Mais mes motifs sont purs comme Votre volonté, et voilà pourquoi j’ose me mettre entre Vous et Vos alentours, et demander que ma voix, placée dans la balance de Votre équité, pèse autant que la leur1.
Je Vous supplie de m’accorder deux mots de réponse. Si jamais j’en ai été digne c’est sûrement aujourd’hui, dans ce moment terrible d’attente.
61. G. F. Parrot à Alexandre IER
[Saint-Pétersbourg], 7 mai 1805
Sire!
Je suis malheureux; c’est en cette qualité seule que j’ose encore Vous adresser ces lignes. Je Vous avais supplié dans ma dernière lettre de m’accorder un mot