Кафедра и трон. Переписка императора Александра I и профессора Г. Ф. Паррота — страница 53 из 183

1.

Mon vœu favori, le plan des écoles paroissiales languit. L’opinion des provinces est remise aux diètes prochaines. Le temps s’écoule et l’ennemi l’emploie à décréditer d’avance cette institution chez les paysans. On leur fait croire que ces écoles sont destinées à forcer des recrues pour le militaire. On a même déjà recruté des maîtres d’école et des écoliers. Les amis de la bonne cause, qui ont d’ailleurs déjà le dessous, perdent courage parce qu’ils voyent que rien ne s’effectue. Il est indispensable de prononcer Votre volonté par un acte décidé. Car il s’écoulera sûrement encore plus d’une année avant que toutes les difficultés qu’on fera contre les écoles paroissiales elles-mêmes soient levées. Veuillez, je Vous en supplie, décréter l’établissement préliminaire des séminaires où les maîtres d’école seront formés. Ces séminaires sont parfaitement indépendants du plan ou de l’exécution des écoles paroissiales. Quelque forme que celles-ci ayant, il faut former des maîtres. Pendant ce temps-là on pourra disputer à loisir sur les écoles elles-mêmes, et Vous aurez par là témoigné Votre volonté décidée pour leur établissement. Je joins ici une copie des § du plan des écoles paroissiales concernant les séminaires. Veuillez les confirmer. Vous le pouvez sans blesser les formes; elles sont observées puisque tout le plan Vous a été présenté par le Directoire.

Donnez-nous de même les écoles paroissiales pour les villes. Leur établissement ne coûtera pas de nouvelles sommes. Elles seront prises sur les fonds que les collèges des secours publics de ces provinces livrent annuellement à l’instruction publique. Et ces écoles sont de toute nécessité, sans quoi les enfants entrent dans les écoles de district sans savoir ni lire ni écrire. Nous n’avons plus que deux ou trois écoles de district à ériger pour compléter toute la masse d’instruction projetée dans les gymnases et les écoles de district. Mais si les écoles paroissiales des villes ne vont pas au pair, le premier fondement nous manquera et l’ouvrage restera morcelé. Il ne fait qu’un soit fait ainsi pour se rendre complet. Je joins un extrait des § qui concernent cet objet que Vous Vous êtes fait présenter2 avec le reste par le Directoire. Je ne puis Vous dire avec quelle impatience les amis du bien attendent ces ordonnances de Vous, avec quelle ardeur je les désire. Le temps que j’ai à vivre est très limité. Il est à peine probable que j’atteindrai l’époque où l’instruction publique pour les villes et les campagnes sera entièrement organisée. Ce printemps ma santé souffre plus que jamais et je ne voudrais pas Vous quitter, ô mon Alexandre, avant d’avoir terminé. Mais quand tout cet ensemble sera consolidé, je mourrai avec moins de regret, Vous laissant un souvenir qui Vous rappellera Votre ami d’une manière digne de Vous et de lui.

La pauvre veuve Roth avec ses enfants languit encore dans l’incertitude et l’indigence. Je lui ai promis des secours de Votre part. – Il m’en a coûté, j’ai hésité longtemps à intercéder pour elle – parce qu’elle est ma belle-sœur. Chargé de mes propres enfants et de plusieurs enfants adoptifs, je ne puis la secourir que bien faiblement.

Sonntag n’a point encore de décision sur l’affaire de l’arrende de Colberg. Le Prince Lapuchin ne songera pas de lui-même à Vous la présenter une seconde fois. Votre cœur seul peut lever de pareils incidents.

92. G. F. Parrot à Alexandre IER

[Dorpat, à la fin de mai 1806]1


Mon Alexandre! Homme chéri du Ciel! Je viens de passer quelques heures délicieuses, occupé de Vous. Je voudrais Vous retracer une partie de sentiments qui animaient mon cœur, des idées que m’inspirent Vos nouvelles relations.

Vous allez devenir Père2. Les peuples confiés à Votre cœur paternel s’en réjouissent. Des millions d’hommes qui attendent leur bonheur de Vous, de Vous seul, en remerciant l’Être Suprême, lui adressent des vœux pour Votre bonheur, pour la conservation de Votre auguste Épouse et du rejeton précieux qu’ils attendent. Vous-même en remerciez l’objet de notre adoration. Vous sentez Votre bonheur en Monarque et en homme. Vous avez sûrement le doux pressentiment de la félicité domestique qui Vous attend, de cette félicité sans laquelle les autres jouissances perdent de leur prix, qui seule peut rendre susceptible de toutes les jouissances. Vous Vous rapprocherez de la Nature et de Vous-même, dont le poste pénible où Vous êtes tente journellement à Vous éloigner. Vous apprendrez à connaître une nouvelle espèce de Vertu qui vous donnera des forces pour exercer toutes les autres.

Vous serez mon Héros dans un sens plus étendu que jamais. – Cette perspective heureuse augmente la masse de bonheur que Vous avez accumulée sur moi. O! que ne puis-je Vous exprimer le sentiment qui agite mon cœur en cet instant! Je crois Vous aimer davantage. Je me transporte en idée auprès de Vous dans ce moment délicieux où Vous avez appris Votre bonheur. Je sens Votre joie, Votre jouissance, je lis dans Votre cœur; j’entends le vœu sacré que Vous avez renouvelé à la Vertu de ne vivre que pour elle et par elle. Je soulève le voile de l’avenir. Je suis présent au moment plus délicieux encore où pour la première fois Vous presserez dans Vos bras ce rejeton précieux que Vous offrirez à Vos peuples comme le garant de leur félicité future, où Vous présenterez à la divinité ce que Vous avez de plus cher, en lui renouvelant l’offrande de Votre propre cœur.

L’idée que je Vous écris m’arrête. Puis-je confier au papier tout ce que je sens, tout ce que je pense? Vous me connaissez. Vous connaissez le vœu secret que Vous m’avez inspiré dès les premiers temps de notre connaissance. Vous me comprenez sûrement, ô mon Ami!

Dans la supposition que ce sera un fils dont Vous serez père Vous avez sûrement déjà songé au plan d’éducation que Vous suivrez. Vous avez tant de motifs d’y songer. Permettez-moi de Vous communiquer quelques idées énoncées brièvement mais mûries et éprouvées par l’expérience. Peut-être nous rencontrerons-nous sur la même route?

L’âge de la première enfance appartient à la Mère. Les besoins physiques de l’enfant, le besoin non moins pressant de la mère de prodiguer ses soins et sa tendresse, indiquent clairement la voie de la nature, qui réserve aux mères le mérite de la première éducation et à nous celui de sentir ce mérite et de nous attacher de plus en plus à celle qui met toutes ses jouissances dans le bonheur commun de la famille. En remettant ainsi la première éducation aux soins de Votre Épouse Vous désirerez peut-être qu’Elle s’acquière elle-même une instruction recherchée, qu’Elle puise dans les livres les règles qu’Elle doit suivre. Il n’existe qu’un livre pour les mères. C’est Emile3. Tout le reste n’est que fatras, mauvais commentaire de cet ouvrage immortel. L’Impératrice l’aura sûrement lu, peut-être plus d’une fois. Mais qu’Elle le lise à présent. À présent qu’Elle sent son enfant sous son cœur, Elle trouvera Emile nouveau, plus intéressant, plus lumineux que jamais. Ce n’est qu’à présent qu’Elle le comprendra parfaitement. Son cœur fera mille commentaires auxquels elle n’a jamais songé.

Vos droits et Vos devoirs commencent au second période de l’éducation, au sortir de la première enfance. Ce période date du moment où l’enfant sent les premières relations sociales, où il s’aperçoit qu’on obéit quand il commande. Il commence de bonne heure pour les fils des Rois. Épiez ce moment. Dès lors Votre devoir de Père serait de veiller au développement des facultés de Votre fils, de soigner toute son éducation. Mais Vous êtes Monarque et Vous ne pouvez pas sacrifier le bonheur présent de Votre nation à son bonheur futur. Il Vous faudra donc un second père à Votre fils. Ce choix Vous mettra en peine, et quoique Jean-Jacques se soit épuisé à prouver l’impossibilité de ce choix, c’est cependant à lui que je Vous adresse pour ce choix. Plus il accumule les difficultés, plus il instruit.

Le système d’éducation que Rousseau a exposé dans son Emile vaut beaucoup mieux que l’auteur ne l’a cru lui-même. Il le croit impraticable dans nos mœurs, et cependant c’est le seul praticable, parce que rien n’est bon, même dans nos relations artificielles, que ce qui est fondé sur les relations naturelles. Basons tout sur celles-ci; les alentours n’auront que trop de soin des autres. Au reste je Vous dois une remarque sur l’application de ce système au cas présent. Jean-Jacques nous enseigne à former un homme qui sache se retrouver dans les relations sociales, mais qui soit indépendant d’elles. Il donne à son élève des talents manuels pour qu’il sache trouver sa subsistance dans les premiers besoins des hommes, dans ces besoins qui existent sous tous les rapports. Il avait en vue la jeune noblesse française abandonnée alors à une éducation plus que féminine. Il pressentait pour ainsi dire la révolution qui a prouvé d’une manière terrible le besoin de ses principes. Emile arraché aux relations de sa naissance, frondant l’opinion et les besoins factices, trouvant sa subsistance et son contentement dans l’atelier d’un menuisier, nous plaît. Mais Emile, fils de Roi, appelé au trône, me paraîtrait bien petit en cet état. Il ne serait à mes yeux qu’un égoïste qui n’eût jamais senti le sublime de sa vocation. L’existence physique ne doit être rien pour un Monarque. Quand il ne saura plus remplir sa place, il n’en doit vouloir aucune autre. L’expérience a prouvé en outre que tous ces Rois qui s’étaient exercés à un métier n’ont été que des tourneurs, des serruriers, des pâtissiers, jamais des Rois. Les exercices gymnastiques sont les seuls qui conviennent à l’héritier d’un trône, parce que la gymnastique est pour le corps ce que la science est pour l’âme.

Rousseau d’un autre côté a trop peu fait de cas des connaissances scientifiques et en outre ce défaut commet souvent dans l’éducation d’un Monarque futur. Le principe ordinaire est qu’un Monarque devrait proprement tout savoir, mais que, comme cela est impossible, il faut qu’il sache un peu de tout. Il résulte de là que le Monarque ne sait rien bien. On veut lui enseigner l’art de régner, et pour cet effet on lui parle à 13 ans de Machiavel ou de l’Antimachiavel