Sire! La noblesse de Courlande désire voir rétablir le Gymnase dans son ancienne forme par haine contre l’Université, pour ne point envoyer sa jeunesse étudier à Dorpat. Lorsqu’il fut question d’établir l’Université à Mitau, elle voulait anéantir le gymnase et son ancienne constitution, à présent elle revendique cette constitution. Les maîtres de ce gymnase désirent cette constitution parce que par elle ils n’ont que 4 à 6 leçons à donner par semaine, et par le nouvel ordre de choses 10 à 11, et surtout parce que suivant la nouvelle constitution ils sont surveillés et forcés à donner réellement leurs leçons avec régularité ce qu’ils n’ont jamais fait (dans les autres gymnases les maîtres donnent 18 à 19 leçons par semaine et ne songent pas à murmurer).
Un hasard, Sire, a empêché l’exécution prompte de Votre dernier ordre. La chancellerie du ministre avait commis une faute dans la lettre du ministre au curateur. On l’a redemandée. Vous avez par là l’occasion de faire ce que Vous voudrez sans compromettre Votre parole7. Je Vous supplie de Vous décider ou à soustraire le Gymnase de Mitau à l’autorité de l’Université ou à confirmer le nouveau plan, par lequel on a accordé à cet institut tout le lustre possible, à raison de ses fonds; je puis Vous donner ma parole la plus sacrée que l’Université a fait pour ces ingrats, dans le fort de leur plus grande animosité, tout ce qu’elle eût fait pour elle-même. J’en atteste en outre le curateur qui gémit du tort que Votre ordre porte à l’instruction publique. Mais devons-nous sacrifier nos devoirs à la paresse de 8 maîtres de gymnase?
Parrot
112. G. F. Parrot à Alexandre IER
[Saint-Pétersbourg], 11 février 1807
Nous voici déjà au 11 février, mon Bien-Aimé; Votre départ approche, et Vous gardez un silence absolu avec moi. Auriez-Vous du chagrin, de l’inquiétude? Versez l’un et l’autre dans le sein de Votre ami, qui Vous chérit plus que soi-même. Les tracasseries que l’on cause à Benningsen auraient-elles amené des revers? Avez-Vous été averti à temps des cabales à l’armée1? J’en ai été instruit au commencement de la semaine passée. Mais je n’y croyais pas; j’étais devenu incrédule pour avoir été une fois trop crédule. À présent que je vois que la chose est fondée, que tout le public en est instruit et en murmure aux clubs et à la bourse, je me reproche de ne Vous en avoir rien dit. Prenez des mesures vigoureuses, si Vous ne l’avez pas encore fait; rappelez sous ménagement Tolstoi et Knorring, et Kameskoi qui, à ce que l’on dit, est retourné à l’armée pour y servir comme volontaire. Je croirais le fait impossible s’il n’avait osé sous Catherine II faire pis encore; il voulait prendre de but en blanc le commandement de l’armée dont l’Impératrice l’avait chassé2. Pourquoi est-il resté à Grodno? Je ne crois pas à sa folie. Si j’ai tort de Vous parler de ces choses-là, pardonnez-moi, et ramenez-moi à ce qui me regarde, à mon métier de maître d’école. Je crains que mes pauvres écoles paroissiales ne soient ruinées par les retards qu’elles essuient. Vous serez trop accablé d’affaires les derniers jours avant Votre départ pour pouvoir Vous en occuper. Faites-le à présent. Le moment de l’absence de Novossiltzoff diminuera le nombre des difficultés.
Bon jour, mon Alexandre chéri! Qui peut Vous souhaiter une heureuse journée plus que
Votre Parrot.
113. G. F. Parrot à Alexandre IER
[Saint-Pétersbourg], 20 février 1807
Sire,
Permettez-moi de mettre à profit le temps que Vous me laissez avant le moment qui terminera l’affaire des écoles paroissiales. Vous savez que le plan que le Directoire a envoyé aux provinces est très défectueux; en outre il y a des § à restituer qui se trouvaient dans le premier plan que le Directoire n’a pas voulu accorder, mais que Vous accordez. Enfin la bonne volonté que les paysans ont témoigné au-delà de mes espérances et d’autres circonstances exigent quelques modifications dans le plan. Ce sera en tout peu de chose, mais je ne puis faire ces changements sans Votre approbation. Si Vous me l’accordez je ferai faire alors sur le champ une traduction complète du plan que je soumettrai à Votre sanction soit après la discussion préliminaire du Directoire, soit sans elle si Vous la jugez inutile. Ces modifications sont:
1) L’inspection générale de l’Université sur toutes les écoles de campagne, au § 2.
2) Supprimer l’énoncé du nombre de paroisses parce que j’ai lieu de croire qu’alors ce nombre n’avait pas été donné à l’Université avec toute l’exactitude possible, au § 3.
3) Dans les écoles paroissiales où le nombre des écoliers ne sera pas considérable on peut se passer de l’adjoint, au § 6 (pour épargner les frais aux communes pauvres).
4) Les maîtres d’école sont comptés comme recrues aux terres qui les livrent, et sont par leur personne exempts du service militaire, au § 7 (on a tenté plusieurs fois d’enlever des maîtres d’école pour le service militaire).
5) Les communes qui pourront se passer de leurs enfants en été pourront les envoyer aussi dans cette saison à l’école, § 18 (plusieurs communes l’ont désiré).
6) Le § 46 doit être supprimé, il contient la manière de former à la suite des maîtres d’école. J’en ai depuis trouvé une beaucoup meilleure et moins dispendieuse, au moyen de quelques épargnes qu’il sera possible de faire sur les fonds de séminaires.
Je Vous supplie, Sire, de me faire savoir par simple oui ou non si Vous approuvez ces changements. Je Vous en conjure par l’intérêt de la chose publique et par la bienveillance, j’ose dire même par l’amitié que Vous m’avez vouée.
Votre Parrot.
114. Alexandre IER à G. F. Parrot
[Saint-Pétersbourg, 20 ou 21 février 1807]1
Vouz avez raison de m’en vouloir, mais j’avais espéré Vous voir moi-même tous ces jours-ci, et j’en ai été constament empêché par des affaires qui me survenaient et que je ne pouvais remettre. Vendredi je Vous prie de venir chez moi à 6 heures et ½.
Tout à vous.
[Paraphe]
115. G. F. Parrot à Alexandre IER
[Saint-Pétersbourg], 25 février 1807
Me voici de nouveau devant Vous, mon Bien-Aimé! C’est où je me trouve le mieux, où je me trouve parfaitement heureux. Je veux Vous parler des principes de la censure. Vous me parûtes Vendredi soir encore peu persuadé de ce que je Vous avais écrit sur cet objet important. Je veux Vous persuader. Je Vous l’avoue tout simplement; je ne puis supporter l’idée qu’on puisse reprocher à Votre règne le défaut de constance dans les principes reconnus pour vrais. Ces principes que le règlement contient, ceux que je professe aujourd’hui sont ceux que je professais il y a 5 ans dans le mémoire que Vous demandâtes à l’Université sur l’ouvrage de Mr. Zimmermann concernant l’établissement des Universités en Russie; ce sont en partie ces principes qui m’ont obtenu les premiers rayons de Votre Bienveillance, qui ont posé les premiers fondements de la confiance que Vous m’accordez, qui m’ont frayé le chemin jusqu’à Votre cœur. Je n’ai pas changé
Conservez cette réunion, non seulement dans Vos règlements, mais aussi dans l’exécution. Jusqu’à présent cette exécution a été en contradiction manifeste avec les principes. Le public se fie au règlement, à Votre loi; les auteurs écrivent, eux ou les libraires font les frais de l’impression sur la foi de la permission de la censure; une autre autorité, qui dans sa sphère n’a ni plus ni moins de pouvoir que l’Université dans la sienne, vient prohiber et saisir les ouvrages approuvés, anéantir la confiance du public en Votre Université et en Vous-même, frapper toute la littérature d’un coup qui sème la défiance, la crainte et le mépris du système que Vous avez établi, et prouver qu’il suffit d’avoir quelques moyens d’exécution et de l’audace pour agir directement contre Vos vues. L’Université a été attaquée et maltraitée depuis 4 ans pour son existence et pour l’établissement des écoles. Elle n’a jamais obtenu de satisfaction contre les coupables. Vous l’avez soutenue et cela lui a suffi pour réussir à la fin à force de persévérance. Mais le mauvais exemple d’impunité que le public a eu par là a enhardi à tout oser dans les affaires de censure. Naturellement quand on ne risque rien à toutes ces attaques que de forcer l’Université à se justifier éternellement, on ne les cesse pas et on a en outre l’espérance que l’Université enfin se lassera de tenir à Vos principes. Sans cette impunité, sans cette espérance, Pistohlkors eût-il osé Vous faire parvenir des articles controuvés de la gazette estonienne? (Car si on Vous en eût donné une traduction fidèle, Vous en eussiez eu une toute autre idée). La régence de Riga eût-elle osé annuler un décret de l’Université en prohibant et saisissant l’ouvrage sur les livoniens et les estoniens, et s’appuyer pour cela de Votre autorité dans un temps où Vous ne connaissiez pas encore cet ouvrage