4) L’inspection des fabriques pharmaceutiques sera bien plus difficile que celle des apothicaireries, parce que le possesseur d’une pareille fabrique sera beaucoup plus riche que tous les apothicaires ensemble, et sera à même d’employer de plus grands fonds à la corruption des inspecteurs, corruption qui, comme Vous savez, est dans toutes les branches d’administration réduite en un système très bien calculé. On aura dans ces fabriques deux magasins l’un de bonnes drogues, l’autre de mauvaises; et les apothicaires chez qui on trouvera les dernières seront punis pour les friponneries des fabricants.
Veuillez, je Vous prie, consulter là-dessus le père de la police médicinale, l’immortel Franck, trop peu employé et trop peu puissant à Pétersbourg, relativement au bien qu’il pourrait et voudrait faire.
Accordez-moi, je Vous supplie, un mot de réponse sur les écoles paroissiales. Votre dessein n’est sûrement pas de me laisser dans cet état pénible d’inquiétude, qui me paralyse non seulement pour cet objet, mais aussi dans mes autres travaux. Vous avez Vous-même exigé que je ne doute jamais de Vos bontés.
131. G. F. Parrot à Alexandre IER
Dorpat, 10 octobre 1807
J’avais espéré au mot de la part du Bien-Aimé sur ma dernière lettre du 8 septembre. Mon espérance a été vaine. Vous sentez sûrement que je dois souffrir de cette cruelle incertitude, et Vous ne voulez pas que je souffre. Il me reste une lueur d’espérance, c’est que Vous avez hésité de me répondre parce que les postes ne sont pas sûres. Je sens que Vos lettres ne doivent pas être profanées. Mais en le remettant à Gessler elles me parviendront sûrement par le canal de Klinger. Veuillez, je Vous supplie, me tirer de peine.
Sivers, notre pauvre Sivers se morfond à Pétersbourg à attendre la décision sur l’affaire des paysans. Il se ruine en attendant, ou plutôt il est ruiné par les dépenses énormes pour sa fortune, que ces voyages lui ont causées. Cette année de disette qui le met hors d’état de payer les rentes de ses dettes le culbute entièrement, et sa terre va être saisie par la caisse de crédit pour laquelle il a tout fait1. Vous aviez ordonné autrefois qu’il recevrait une arrende, qui l’eût sauvé. Il ne l’a pas reçue; Vous ne l’aviez pas cru lorsque je Vous en avertis il y a un an. À présent sa ruine en est la preuve.
Sivers a témoigné de tout temps le plus grand désintéressement. Tous les voyages et séjours qu’il a fait à Pétersbourg sont à ses frais. Autrefois il a eu la générosité de refuser les remboursements quand il travaillait à l’avantage de la noblesse qui a toujours eu tant de demandes à faire sous tous les règnes. À présent qu’il travaille pour le paysan on se garde de lui offrir des remboursements tandis que les ennemis
Adieu, mon Alexandre! Je ne puis renoncer à Vous nommer ainsi. Mon sentiment pour Vous est trop profond.
Votre Parrot
132. G. F. Parrot à Alexandre IER
[Dorpat], 23 octobre 1807
Sire!
Le Directoire de l’instruction publique a décrété malgré les protestations de Klinger de Vous présenter un plan pour le gymnase de Mitau qui change ce gymnase en une Académie qui sera en même temps Gymnase et Université avec les prérogatives des universités1. Votre plan général d’instruction publique, qui a été universellement applaudi par toute l’Europe savante, va recevoir par là une atteinte, la plus sensible qui puisse lui être portée.
Fatigué des sollicitations qu’on faisait pour ce gymnase Vous avez enfin permis cet hiver qu’on lui accorde quelques-uns des privilèges du gymnase ci-devant. À présent on lui accorde non seulement tout, mais même davantage puisqu’on veut lui donner même l’inspection de toutes les écoles du gouvernement afin que ces demi-professeurs sous la tutelle de la noblesse contrarient l’Université dans l’établissement des écoles paroissiales.
Vous avez les plus fortes raisons de ne pas signer un plan pareil; je Vous les ai alléguées autrefois au long; Vous les avez trouvées justes. Permettez-moi de Vous en offrir l’extrait.
1) Ces instituts hermaphrodites qui doivent servir de gymnase et d’université ne peuvent par leur nature remplir ni l’un ni l’autre but. On propose dans ce plan 15 professeurs qui doivent enseigner les sciences préliminaires et les hautes sciences. Dans les gymnases il y en a 6 pour les sciences préliminaires et dans notre Université 28 pour les sciences supérieures. Par conséquent la jeunesse ne pourra y recevoir pas la moitié de l’instruction nécessaire pour des études en règle.
2) Cet institut dépourvu des collections et appareils nécessaires pour les hautes sciences ne pourra que raconter, non faire voir ce qui constitue ces sciences, ou il faudra lui procurer ces appareils, lui bâtir les bâtiments nécessaires etc. – Notre Université a pour au moins 100 000 Roubles d’appareils sans compter les bâtiments.
3) Les sujets qui doivent y recevoir leur instruction étant en même temps écoliers et étudiants ne seront bien ni l’un ni l’autre. Les écoliers perdront l’esprit de leur état, voudront être traités en étudiants et ne se soumettront pas à la discipline des gymnases. Les étudiants n’auront ni la maturité de l’âge ni les connaissances nécessaires à leur état, et ne pourront faire les progrès nécessaires.
4) Cette espèce d’instituts est un produit monstrueux du système philantropique qui a ruiné l’éducation en Allemagne, en ne produisant que des têtes légères qui avec une teinture de tout croyent tout savoir. Les étudiants qui nous viennent de Mitau nous en sont la preuve. L’Allemagne s’est repenti trop tard pour son existence politique de ce système et l’a déjà rejeté. En Russie, où cette superficialité est un défaut principal de l’esprit public, de pareils instituts seraient encore bien plus nuisibles. La vraie tendance de l’esprit de l’éducation publique en Russie doit être surtout de terrasser à la fin cette superficialité qui fait que l’État dans le besoin se trouve si pauvre en sujets vraiment capables.
5) Un institut académique comme on veut en avoir un à Mitau, dont les étudiants auront les mêmes droits que ceux des universités, enlèvera aux universités tous les Courlandais, puisque les études y seront plus superficielles, par conséquent plus aisées, de moins de durée, et mèneront cependant à tous les emplois. Ainsi l’Université de Dorpat perdra une des 4 provinces que Vous lui avez assignées.
6) La noblesse d’Estonie a à Reval un institut tout semblable qu’elle a fondé et qu’elle entretient totalement à ses frais. Elle a bien plus de droits à faire une demande pareille que celle de Courlande, et dès que les Courlandais auront réussi, elle ne manquera pas de la faire, se trouvant également choquée que leur gymnase soit sous la direction de l’Université. Vous n’aurez aucune raison valable de refuser à la noblesse de Reval ce que Vous avez accordé à celle de Courlande et l’Université de Dorpat perdra la seconde de ses provinces. Celle de Livonie pourra faire les mêmes prétentions, 6000 Ecus annuels, que les Courlandais offrent, ne lui paraîtront pas trop pour rentrer dans ses anciennes prétentions de régir l’instruction publique, et Dorpat devra être transféré à Wiburg pour avoir une trentaine d’étudiants. C’est ainsi qu’en Vous séduisant à des concessions pareilles on veut Vous amener à ruiner Vous-même l’Université de Dorpat que Vous avez établie avec tout de soin et qui ne se fait d’ennuis que parce qu’elle entre vraiment dans Vos vues en établissant un système d’instruction solide opposé à la frivolité régnante.
7) Malgré tous les prérogatives qu’on doit accorder à cet institut de Mitau, il doit cependant être soumis à Université!!! Pensez-Vous que des professeurs qui n’auront qu’un grade de moins que ceux des universités, qui obtiendront bientôt par ses incitations ce petit avantage, qui seront d’autant plus arrogants que leur mérite sera au-dessous de leur titre, à qui on veut confier même la direction des autres écoles de la province se soumettront de fait à l’Université? Ce sera une semence de guerre éternelle.
8) Il y a 4 ans Vous avez donné un rescript formel, motivé par le Directoire lui-même, qui porte que le Gymnase de Mitau doit rester gymnase. Il semble qu’il existe un projet de Vous engager à donner des ordres contradictoires. Je m’abstiens de réflexions ultérieures à cet égard.
9) On dit qu’on a déjà fait un établissement de ce genre, celui de Dimidov2. Mais si on a déjà été une fois infidèle aux principes doit-on l’être toujours? D’ailleurs la reconnaissance pour le fondateur excuse en quelque sorte une inconséquence. Mais quelle reconnaissance doit-on à Mitau? Cet institut a été fondé par le Duc Pierre, entretenu des revenus de ses domaines qui sont à présent Vos domaines. C’est donc Vous qui avez le mérite de cet entretien, et ce sera donc par reconnaissance pour Vous-même qu’on veut Vous engager à miner, à détruire Votre grand ouvrage de l’instruction publique – cet ouvrage, sur lequel la postérité jugera de Vos vues et de Votre fermeté à les soutenir3.
Les écoles paroissiales de Wilna sont décrétées. Le Directoire ne fait point d’objections pour celles-là. Celles de Dorpat sont présentées depuis trois ans à Votre sanction, et ne l’ont pas encore obtenues! Sire! Où tout cela mènera-t-il? Les polonais de Vos provinces sentent eux-mêmes qu’il faut faire quelque chose pour le paysan depuis que Bonaparte a décr