Кафедра и трон. Переписка императора Александра I и профессора Г. Ф. Паррота — страница 76 из 183

Votre Parrot.

158. G. F. Parrot à Alexandre IER

Dorpat, 1 novembre 1810


Mon Bien-Aimé! Mon Alexandre chéri!

Le mois d’octobre est passé, mon mémoire sur les finances Vous est parvenu en commencement de septembre et Vous n’avez pas encore l’avis du 5e département ! Jugez par ces délais du zèle de Vos travailleurs. Et cependant la réforme des finances doit paraître à la fin de cette année. C’est le dernier terme qui Vous reste pour Vous mettre en position redoutable vis-à-vis de Votre antagoniste. Car ce n’est pas en rassemblant une armée formidable que Vous lui en imposerez, mais en Vous mettant en état de faire une campagne soutenue et opiniâtre. Il sait fort bien que la Russie comme tout État physiquement fort n’est pas en peine de lever des armées; leur entretien est le point principal et cet entretien n’est possible que par un excellent système de finances. Vos travailleurs savent cela aussi bien que moi, et cependant ils traînent l’affaire en longueur. Je suis arrivé ici malade, après un voyage désastreux qui a duré 4 jours, et je ne suis pas encore rétabli. Mais dès que j’ai vu que le 1er courrier ne m’a pas apporté les observations que Vous vouliez m’envoyer je me suis mis au travail; je ne puis supporter l’idée de Vous voir sacrifié à l’indolence, la vanité ou la mauvaise foi. Ne méconnaissez pas à ce style peut-être violent mon attachement, mon tendre respect pour Vous. Je veux Vous savoir respecté de toute l’Europe, craint de Votre ennemi, et voila pourquoi je m’irrite contre Vos instruments. Pourquoi ne peuvent-ils pas travailler comme moi, payés, honorés, décorés pour ce travail? Et est-il un travail plus pressant que le rétablissement de Vos finances et du crédit?

Ce que je Vous envoye, ce sont les Ukases tout faits, à qui il ne manque que la traduction en russe que je ne puis soigner, et Votre titre. Si Vous voulez les commencer par la formule: «Après avoir ouï l’avis de notre grand Conseil d’Empire», le traducteur peut faire facilement cette petite addition. Je Vous supplie de [ne] plus Vous laisser voler Votre temps. Je Vous conjure de nouveau d’être persuadé que le temps est Votre plus précieuse propriété. Son emploi est le seul moyen d’éviter la guerre; ou si Vous voulez l’avoir il ne tient qu’à Vous – ouvrez Vos ports à l’Angleterre et Vous l’aurez. De toute façon tâchez de devenir le maître de l’avoir ou non. Publiez ces 9 Ukases ensemble sans délai et datez-les selon l’ordre des Nos chacune d’un jour plus tard que l’autre. En publiant cette masse d’ordonnances bien calculées, et calculées toutes les unes sur les autres (je suppose que la paix avec la Turquie et la Perse se fait) Vous relèverez le courage de Votre nation et en imposerez à l’étranger. Alors, au printemps, Vous pourrez permettre le commerce sous tout pavillon neutre sans ces recherches exactes et minutieuses qui l’ont ruiné dans ces derniers temps.

Avant de composer ces Ukases et en les composant j’ai jeté un nouveau coup d’œil détaillé sur l’ensemble de Votre Empire. Je n’ai oublié aucune considération. Tout est lié, tout vise et mène au grand but de remettre la Russie en possession de sa supériorité naturelle. Dans mes mémoires précédents je Vous ai déjà esquissé les principes dont je pars. Vous ne leur refuserez sûrement pas Votre aveu, et Vous savez par expérience que ma prévoyance ne Vous a jamais donné de mauvais conseils. Pour cela il ne faut que de la logique et du désintéressement. Si je me suis trompé quelquefois c’était sur des faits qui étaient restés secrets dans l’intérieur du Cabinet. Permettez-moi d’ajouter à ces principes généraux quelques remarques sur chacun des Ukases que je Vous propose.

№I. J’ai laissé à l’article 2 les nombres en blanc. Cependant j’ai pris des informations sûres relativement au prix du seigle du temps de Pierre Ier. Ce grand Prince mourut le 28 Janvier 1725, et en automne 1724 la tonne de seigle coûtait à Dorpat, d’après les archives d’ici, 1 Rouble. La tonne de Livonie est 2/3 de Tchetwert, donc le Tchetwert coûtait à Dorpat 1½ Rouble. Dans l’intérieur le prix était moindre. Il est vrai que Pierre Ier fit frapper au commencement les Roubles à 54 Stuwer. Mais il les rapetissa petit à petit, et à la fin de son règne ils étaient à 45 Stuwer, au même titre auquel Vous les faites frapper. Vous pouvez donc, sans faire tort à Votre peuple, exiger en capitation 2/3 de Tchetwert de seigle <3/4 si Vous voulez être rigide, 2/3 si Vous voulez être généreux, et de toute manière> et Vous aurez un gain considérable qui ne sera pas une charge pour le peuple par le mode facile du perception que je Vous propose.

Le § 9 contient un nouveau mode d’impôt pour le paysan qui quitte son village. En réduisant cet impôt (que Vous aviez jusqu’ici perçu par un impôt sur le passeport) à une triple capitation Vous serez béni par tous ces malheureux vexés dans tous les gouvernements par la police. Je sais des cas où l’on prenait à ces misérables jusqu’à 25 et 30 Rbl. pour viser leur passeport, à un seul endroit.

№II. Je Vous prie de faire attention à la fin du § 4. Selon les lois existantes celui qui a payé l’usure est puni comme celui qui l’a exigée. C’est le vrai moyen d’intéresser la malheureuse victime de l’usure à cacher au juge son malheur et le crime de son oppresseur. Celui que la nécessité force à prévariquer ne doit jamais être puni, mais celui qui le fait par rapacité.

№III. Dans le § 11 l’impôt sur les chevaux d’Iswoschicks est moindre que celui que j’avais d’abord proposé. Mon but était alors d’empêcher que pour éviter l’impôt on ne loue ou fasse semblant de louer des chevaux d’Iswoschick. Une clause ajoutée à ce § fait le même effet sans surcharger les teneurs de chevaux qui ne peuvent sans cela exister.

№IV. —.

№V. Le § 10 détermine la manière dont les paysans non libres peuvent devenir propriétaires de domaines. Il s’agit surtout pour les provinces proprement russes où il n’existe point de lois touchant la propriété du paysan, de lui assurer cette propriété. Le mode que je propose atteindra ce but sans attaquer les droits du seigneur. Et il est à présumer que cette loi sera en vigueur, parce que le paysan russe n’est pas si patient que le paysan livonien.

La clausule annexée au § 9 est juste: Vous la devez au paysan; Vous la devez à Vos propres principes que Vous avez si loyalement promulgués tant de fois, à ces principes qui font l’esprit de Votre règne.

Le § 12 est bien important, et j’espère que Vous songeriez volontiers à l’article b) de ce §, de même qu’au § 24 de № III. Par là Vous prouvez à Votre nation que Vous savez bien employer le fruit de la vente des domaines et celui des impôts, et à l’Europe que Vous êtes prêt à faire la guerre. – De toutes les idées que je Vous ai proposées c’est sans contredit la plus importante.

№VI. —.

№VII. Au § 7 les provinces autrefois polonaises sont exclues de cet Ukase, relativement à l’idée que je Vous ai proposée, de rétablir la Pologne en cas de guerre. Si le cas arrive il ne faut pas avoir auparavant excité le mécontentement des polonais qui ne verraient dans cette mesure que le dessein de les appauvrir. La crise une fois passée sans guerre ils peuvent rentrer sous la règle générale, qui en effet ne les appauvrira pas.

№VIII. —.

№IX. Je Vous prie de donner la plus grande attention à cet Ukase. C’est peut-être de tous celui que Vous accepterez le moins volontiers, et cependant c’est celui que je voudrais que Vous acceptassiez le plus sûrement, parce que c’est celui qui a) prouvera le mieux combien Vos intentions sont pures, b) qui dévoilera le plus de fermeté dans Votre marche, c) qui aura la première influence sur le crédit des assignations. D’abord comptez que la noblesse de Livonie paraîtra bientôt aux pieds du trône, Vous demandera l’article 4 en Vous prouvant invinciblement qu’elle est ruinée si Vous ne l’accordez, je l’ai appris à mon retour. La supplique circule déjà chez les individus à la campagne, et je me tromperais fort si la noblesse d’Estonie n’en faisait autant. Vous ne pourrez pas refuser; je le prévois. Faites donc de Vous-même grandement et comme un acte de justice générale ce que Vous ferez pourtant à la suite de sollicitations réitérées ou à la suite de sommes employées à cet effet. Croyez-moi; la Livonie est décidée à réussir et elle y employera ses derniers deniers. Le financier Vous dira peut-être que Vous y perdez; cela n’est pas vrai; Vous y gagnez. Écoutez, examinez mon calcul. Supposé que Vous ayez prêté à différents corps de noblesse 20 000 000 sous condition de remboursement successif en Roubles d’argent, et que Vous ayez annuellement 1 000 000 à en percevoir. Sur le taux de 3 80 cop. ce million Vous vaudra 3 800 000 Rbl. en papier. Si Vous en acceptez le paiement à 2 Rbl. Vous recevez 2 000 000 et la perte est de 1 800 000 Rbl en papier. Mais si Vous exigez des Roubles en argent, les corps de noblesse seront obligés de les négocier, et le cours des assignations retombera; supposé que ce ne fut que 10 cop. sur le Rouble d’argent, ce qui est le moins possible, c’est 1/38 de perte que Vous faites sur tous Vos revenus qui cette année ont dû se monter à environ 200 000 000 Rbl. en papier. En supposant que Vous ne veuillez pas Vous soucier des malheureux employés de la Couronne qui ne vivent que d’assignations (je Vous parle en ce moment en pur financier), la partie de Vos revenus que Vous dépensez immédiatement se monte à plus de la moitié; c’est donc près de 3 000 000 que Vous perdez effectivement pour gagner 1 800 000 Rbl. et Vous avez en outre l’air de vouloir arracher à Vos sujets les derniers Roubles d’argent qu’ils ont encore, jour faux, jour odieux qu’on Vous a déjà donné en Vous proposant l’Ukase sur les archives1. Dès que Vous faites la paix au sud Vous n’avez besoin que de papier; Votre propre papier fait Votre richesse et Vous n’avez d’autres mesures à prendre que pour en hausser la valeur. – Et si enfin la noblesse ne peut pas payer ces Roubles en argent, si elle se déclare banqueroute, voudrez-Vous Vous mettre en possession de ses terres, dans le moment où Vous annoncez la vente des domaines? Vous voyez qu’il faudra céder. Accordez donc de Vous-même, comme le projet d’Ukase le dit, ce bienfait à Vos sujets. Vous en retirez les premiers fruits par la haussse des assignations; car cet Ukase déjouera mille projets agiotants qui depuis 2 ans ne cessent de ruiner le crédit de la Couronne. Sentez que dès qu’il ne se fera plus de paiements en argent l’argent doit tomber autant qu’il peut à l’intérieur, et que Vous n’aurez plus à faire qu’à la baisse causée par le commerce extérieur. O mon Alexandre, j’aurai la joie d’entendre enfin Vos louanges dans la bouche des aristocrates!

Je n’ai plus qu’un mot à Vous dire sur ces Ukases: faites les traduire promptement; envoyez-les sans délai au Senat, et qu’elles paraissent à la fois le plus tard le 1er de Décembre. Ne Vous arrêtez plus aux opinions vagues et partagées de Vos alentours. Fiez-Vous à la droite raison et au désintéressement de Votre ami. Que m’importe à moi la hausse ou la baisse des assignations? Quand celles que Vous me donnez ne suffiront plus à une subsistance, chacun de Vos Grands, si je n’avais pas d’autres ressources, m’en donnera le double et le triple pour être le gouverneur de ses fils; et les miens sont élevés. – Je suis un homme libre. Vous seul, Votre intérêt personnel, me rend esclave. – Et je le suis si volontiers!

À présent encore un mot sur un autre objet. À l’occasion de notre discussion sur les Ministères, je Vous dis que l’instruction publique est confondue avec les finances, l’industrie etc. dans le département de l’économie politique. Vous me dites que c’était une fausse traduction. Dès mon arrivée j’ai recherché la gazette et voici le § du Manifeste contenant la constitution du grand Conseil2; je le traduis mot à mot.


«Seconde Partie

Règlements particuliers pour le Conseil d’Empire.

1o. Arrangement des départements.

1) Nombre des départements et de leurs objets.

§ 5. Sous le département de l’économie politique sont comptés tous les objets d’industrie générale, des sciences, du commerce, des finances, des recettes et des comptes.»

Est-il possible qu’il y ait là une faute de traduction? Si cela était, l’instruction publique se trouverait dans un autre département. Et s’il n’y en a pas, pouvez-Vous souffrir de voir les sciences, l’instruction publique rejetées dans le département des fabriques, du commerce etc.? Doivent-elles être regardées comme des objets d’industrie?

Il y a 8 ans Vous avez applaudi aux principes contraires que je Vous présentai dans le mémoire de la faculté de philosophie contre celui de Mr. Zimmermann. Vous avez trouvé une classification des Ministères juste; elle cadre avec Vos premières idées et n’y met que plus de précision. Aujourd’hui Vous avez changé de système: Vous avez un Ministère de Police qui doit finir par empiéter sur presque toutes les branches de l’administration intérieure3. Vous ne connaissez pas encore par expérience l’esprit d’un pareil ministère, mais Vous le connaîtrez quand Vous y aurez un homme de tête. L’exemple de la France est une mauvaise autorité4. Voulez-Vous adopter le système français d’aujourd’hui? En avez-Vous besoin? Vous honnête homme! Vous Monarque légitime! Vous Pacificateur! Le pouvez-Vous sans Vous mettre journellement en contradiction avec Vous-même? Voulez-Vous pendant que Vous ferez la guerre sur Vos frontières mettre la sûreté intérieure de Votre Empire dans les mains d’un seul homme, vénal peut-être? Souvenez-Vous du despotisme des procureurs généraux5. Celui des ministres de police sera pire; il prendra la teinte de la partie vile de leur emploi.

Vous ne voulez pas séparer la police correctionnelle de la police physique et mettre la première sous l’égide et le glaive de la loi. Je Vous ai déjà prouvé que ces deux espèces de police, la correctionnelle et la physique, n’ont rien de commun6. Pour l’une il ne faut qu’un homme qui soit en même temps rusé et rustre. Pour l’autre il faudrait un homme rempli de connaissances de physique, de chimie, de médecine, de statistique. Voulez-Vous en un exemple entre mille? Novossilzoff me proposa un jour un problème qu’il avait infructueusement proposé à l’Académie, d’indiquer un moyen sûr de déterminer la fraude qui se commet dans la vente du sel. Je résolus le problème, mais je ne sais si Nov. en a fait usage. Un maître ou ministre de police comme Vous les avez, songera-t-il seulement à une pareille chose? – Le principe qui Vous a induit à erreur est, comme je Vous l’ai dit, commun à tous nos écrivains sur la police. Ils rangent ces deux objets disparates sous la même rubrique de la sûreté intérieure. Mais si tous les objets de la sûreté intérieure doivent être joints pêle-mêle, la justice, la médecine tomberont aussi dans ce département. Car qu’y a-t-il de plus essentiel à la sûreté intérieure que l’administration de la justice et la police médicinale? – Conservez Vos maîtres de police correctionnelle, qu’ils arrêtent les coupables, qu’ils dirigent leurs espions; mais que ce soit sous l’autorité de la justice, et qu’ils ne se mêlent pas d’autre chose. Souvenez-Vous des bévues sans nombre qu’ils ont commises en se mêlant de la censure. Vous avez Vous-même été indigné de ce qui est arrivé dernièrement au vénérable Weisse, chef de l’école de St.Pierre. Vous avez réparé cet acte de rusticité d’une manière noble. Mais ne vaut-il pas mieux éviter le mal que de le réparer? Conservez Vos maîtres de police correctionnelle, mais ôtez leur ce qui ne leur appartient pas; mais abolissez ce ministère de police universelle dès le commencement de cette année, avant que mille actes de despotisme, de cruauté, peut-être de trahison dans un moment de crise ont rendu Votre règne odieux et Votre propre sûreté incertaine. Suivez-le penchant de Votre cœur avant d’avoir à regretter de ne pas l’avoir écouté.

Grand Dieu! Quelle longue lettre! O mon Alexandre chéri! Que je serais heureux de n’en avoir pas de pareilles à Vous écrire. Et cependant je me rappelle d’une chose encore pour laquelle je suis forcé de joindre une feuille à part7. – Fatiguez-Vous de moi s’il le faut, mais pas de ce que je Vous écris.

Annexe

[Projets de 9 Ukases sur les finances]

№ 1. Projet d’Ukase concernant la capitation

La manière de lever la capitation qui a eu lieu jusqu’à présent, qui consiste à imposer chaque tête mâle sujette à la capitation d’une certaine somme en argent a l’inconvénient de n’être pas calculée sur une base solide. Le prix des denrées étant variable, non seulement par rapport aux assignations mais aussi par rapport aux monnaies d’argent et de cuivre, le sujet soumis à la capitation paie tantôt plus tantôt moins et la Couronne perçoit de même un revenu moindre ou plus grand, ce qui met de la disproportion entre les revenus et les dépenses de la Couronne, les dernières se règlent toujours sur le prix des denrées de première nécessité.

Pour obvier à cet inconvénient notable qui préjudicie au sujet et à la Couronne, Nous ordonnons

1) Que la capitation soit mise sur le pied des dernières années du règne de notre glorieux Prédécesseur Pierre Ier à qui la Russie et toute l’Europe a donné le surnom de Grand, moins pour ses victoires que pour la sagesse avec laquelle il a gouverné son Empire.

2) La capitation était alors de 1 Rouble monnaie d’argent par tête. Et alors le Tschetwert de Seigle coûtait d’après les renseignements pris dans les archives de ce temps-là …… Roubles. Le paysan payait donc alors effectivement …… de seigle à la Couronne. Nous ordonnons donc pour le présent et l’avenir le paysan soumis à la capitation paie à la Couronne …… en seigle.

3) Chaque commune de village ou de paroisse prélèvera d’abord après la récolte la quantité susdite de seigle de chaque tête contribuable et rassemblera ce seigle dans le magasin de la commune. Si la commune n’a pas de magasin, elle en bâtira un incessamment.

4) Cette quantité de seigle restera dans le magasin jusqu’au temps où le seigle sera au plus haut prix, au quel temps elle sera vendue par deux hommes de confiance choisis par la commune elle-même sans aucune influence étrangère. Ces deux hommes de confiance rendront compte de cette vente à la commune, et le prix qu’ils en auront tiré sera employé à payer la capitation. S’il y a du surplus et ce sera le cas ordinaire, il retourne à la commune; s’il ne suffit pas la commune fournira le reste.

5) La Régence de chaque gouvernement publiera le 15 Mars de chaque année par patentes et par les gazettes le prix de la capitation en assignations, calculé sur le prix moyen du seigle qui a eu lieu depuis la dernière récolte. Elle est tenue en conséquence de se procurer des renseignements vrais et sûrs de semaine en semaine sur le prix du seigle dans chaque cercle du gouvernement, et de publier ces prix qui servent de base en même temps que celui de la capitation. En cas de fausses prémisses ou de calculs erronés chaque cercle a le droit de porter ses plaintes jusques à Notre Trône, soit directement soit par la voie du Ministre.

6) La capitation doit être payée en assignations, en entier, irrévocablement le 15 Avril à la Recette impériale du cercle et de là le 1er Mai à la Chambre des finances du gouvernement. Les communes seules sont responsables du délai et seront en cas de manquement livrées à l’exécution militaire.

7) Dans les cas où un malheur imprévu, tel que grêle, inondation etc., serait arrivé à un ou quelques membres de la commune, la commune se cotisera pour fournir sa part de la capitation. Si le malheur est plus général, s’il a frappé la majorité de la commune où plusieurs communes, si un manque général dans la récolte d’un cercle ou d’un gouvernement a eu lieu, le gouverneur après avoir bien constaté le fait en fera rapport à temps au Ministre et proposera de combien la capitation des communes que le malheur a frappées doit être diminuée pour cette année. Nous renoncerons volontiers à cette partie de la capitation pour le soulagement de ces malheurs sans la mettre sur la liste des arrérages qui d’ailleurs ne doivent plus avoir lieu, notre principe étant dorénavant de ne pas endetter nos sujets.

8) La capitation de l’artisan sera

a) pour l’apprenti triple de celle du paysan,

b) pour l’ouvrier quintuple de celle du paysan,

c) pour le maître ou chef d’atelier décuple de celle du paysan.

Cette capitation sera calculée sur les principes ci-dessus énoncés et perçue également en assignations, et a lieu sans distinction d’étrangers ou d’indigènes.

9) Le paysan qui quitte son village pour chercher ailleurs du travail paie en sus le triple de la capitation du paysan qui reste et obtient sans aucune imposition son passeport de la Recette impériale du cercle pour chaque année. Dans tout autre cercle ou gouvernement il n’a d’autre devoir que de produire son passeport à la police du lieu où il prend du travail, sans être sujet d’ailleurs à aucun paiement. En cas de vexation celui pour qui il travaille se plaint en son nom directement à la Régence du gouvernement.

№ 2. Projet d’Ukase concernant un impôt sur les capitalistes

Considérant que les nombreux capitalistes de notre Empire ont toujours été exemptés des impôts directs que les besoins de l’État rendent indispensables, et que cette exemption est aussi nuisible à l’État, qu’injuste envers la classe laborieuse, Nous ordonnons

1) Que chaque possesseur d’une obligation enregistrée à un tribunal quelconque, de même chaque capitaliste qui a déposé ses fonds à la banque paie annuellement un impôt de ½ p. C. de son capital à la Recette du cercle ou à la Chambre des finances du gouvernement où ses fonds se trouvent placés.

2) Chaque prêt de capitaux doit être enregistré à quelque tribunal avec ou sans hypothèque; tout capital non enregistré est censé n’avoir pas été prêté et le débiteur n’est pas obligé de payer.

3) Le présent Ukase n’a pas lieu pour les lettres de change entre Marchand et Marchand; mais tout prêt fait sous forme de lettre de change, par un homme qui n’est pas dans le commerce ou à un tel, tombe sous l’article 2 du présent Ukase.

4) Nous voulons que ce demi pour Cent ne retombe pas sur l’emprunteur, ce qui serait contraire au sens du présent Ukase. En cas de contravention le créancier qui aura exigé ce demi pour Cent de son débiteur d’une manière quelconque sera puni comme usurier, et lui restituera cette somme. En ce cas, comme dans tous les cas d’usure, Nous ordonnons que le débiteur, qui a payé au créancier plus que les 6 pour Cent que la loi permet, ne soit point puni, au contraire qu’il soit dédommagé par le créancier, et annulons les articles des lois contre l’usure qui sont contraire à ce principe.

№ 3. Projet d’Ukase concernant les impôts sur le luxe

Le luxe, regardé à juste titre comme le lustre des sociétés civiles et dans certains États comme une source de leur puissance, est en Russie, comme dans tout pays essentiellement agriculteur, une source de faiblesse. Le luxe extérieur, qui se nourrit des productions du sol et de l’industrie de l’étranger, diminue l’avantage de la balance du commerce. Aussi a-t-il été sagement obéré par les impôts de douane dont le principal but est de lui mettre des bornes proportionnées au produit du sol et de l’industrie nationale. Le luxe intérieur n’a pas encore été imposé quoiqu’il nuise au vrai bien de l’État peut-être plus que le luxe extérieur par la quantité de forces qu’il ravit à l’agriculture, aux arts utiles et même au Gouvernement. Les principaux objets de luxe intérieur étant les domestiques, les équipages et la vaisselle d’or et d’argent, Nous ordonnons ce qui suit:

I. Impôt pour les domestiques

1) Une personne non mariée peut avoir un domestique sans impôt; une famille trois.

2) Pour le premier domestique en sus le maître paiera 5 Rbl., pour le second 10 Rbl.; pour le troisième 15 Rbl. et ainsi de suite en progression arithmétique.

3) Sous le nom de domestiques sont compris tous les serviteurs mâles et femelles qui ne servent pas à l’économie rurale ou aux métiers, mais au luxe ou à la commodité de ceux qui les ont. Les gouverneurs, gouvernantes et nourrices sont regardés par le Gouvernement comme membres de la famille où ils sont, et par conséquent exempts de tout impôt.

4) L’impôt susdit s’étend aux domestiques de la campagne comme à ceux de la ville, en sorte cependant que quiconque tient maison à la ville et à une ou plusieurs campagnes, la progression de l’impôt recommence pour chacun de ces lieux.

5) La police du lieu fournit la liste des domestiques que chaque particulier a à la Chambre des finances qui taxe le particulier. La Chambre des finances fera faire de temps en temps la revue des domestiques dans chaque maison à la ville et à la campagne. La taxe de chaque particulier pour ses domestiques se fera dans le courant de Janvier pour toute l’année et sera payée sur le champ. Si dans le courant de l’année un maître augmente le nombre de ses domestiques, il l’indiquera sur le champ à la police qui en instruira la Chambre des finances, et le maître paiera l’impôt pour ces nouveaux domestiques pour toute l’année courante.

6) Tout autre impôt payé par les domestiques ou par les maîtres pour leurs domestiques sous quelque nom ou titre que ce soit, la capitation exceptée, sont annulés dès le 1er Janvier 1811, temps auquel le présent Ukase sera mis à exécution.

II. Impôt sur les équipages

7) Pour deux chevaux d’équipage on paie annuellement 10 Roubles, pour les deux suivants 20 Rbl., pour les deux suivants 40 Rbl., pour les deux suivants 80 Rbl. et ainsi de suite en progression géométrique.

8) Chaque cheval de selle est égalé à une paire de chevaux d’équipage, et compte à la suite de ceux-ci en progression, en sorte par ex. que celui qui a 6 chevaux d’équipage et un cheval de selle paie 80 Rbl. pour celui-ci; s’il en a deux il paiera pour le second 160 Rbl.

9) On comprend sous chevaux d’équipage et de selle ceux qui ne sont employés qu’au luxe ou à la commodité.

10) Les marchands et artisans, qui ont besoin de chevaux pour leur état et qui se servent de ces chevaux pour des équipages ou pour la monte sont sujets à l’impôt. Les habitants de la campagne, tels que fermiers, pasteurs, médecins etc., ont deux chevaux d’équipage ou un de selle francs.

11) Les teneurs de chevaux dans les villes (Iswoschicks) paient annuellement 25 Rbl. par cheval qu’ils tiennent dans la rue et 40 par cheval qu’ils louent par jour, semaine, mois ou année. Quiconque loue pour soi ou sa famille plus de 6 chevaux paie l’impôt fixé à l’article 1.

12) La police de chaque lieu fournira à la Chambre des finances la liste de tous les chevaux de luxe. L’impôt sera levé comme à l’article 5 de l’impôt sur les domestiques.

III. La vaisselle d’or ou d’argent

13) Pour 10ts de vaisselle d’argent on ne paiera point d’impôts.

14) Pour les premières 10ts en sus on paiera annuellement 1 p. C. de la valeur intrinsèque, pour les 10ts suivantes 2 p. C.; pour les 10ts suivantes 3 p. C.; et ainsi de suite en progression arithmétique.

15) Toute vaisselle d’or paie 5 p. C. de la valeur intrinsèque.

16) La vaisselle d’argent dorée paie le double de la vaisselle d’argent.

17) Sous le nom de vaisselle d’argent ou d’or sont compris non seulement toutes les espèces d’ustensiles de ces métaux qui servent à table, mais aussi les chandeliers, candélabres, lustres, vases, statues etc., en général tous ustensiles servant d’ornement ou conservés par d’autres raisons. Les cabinets numismatiques et autres collections servant évidemment à la culture des sciences sont exempts d’impôts.

IV. Impôts sur les voyages à l’étranger

Les voyages à l’étranger sont une espèce de luxe d’autant plus nuisible à l’État que les sommes que dépensent les voyageurs sortent en entier du pays sans être utiles à un seul de nos sujets, et doivent par conséquent être regardés comme un objet de luxe extérieur qui doit être soumis à la taxe. Nous ordonnons à cet effet ce qui suit:

18) Quiconque voyage à l’étranger pour raison d’agrément paie annuellement pendant tout le temps de son voyage 10 p. C. de ses revenus. Si le temps du voyage dure moins de 6 mois on paie pour un demi-an; s’il dure plus de 6 mois on paie pour l’année entière. La 1e demi-année se paie avant le départ.

19) Les voyages pour cause de santé, vraie ou simulée, sont soumis à la même taxe, la Russie offrant dans les provinces méridionales des climats non inférieurs à ceux de la France, de l’Italie et de l’Espagne.

20) Les voyages pour cause d’instruction ne sont admis que pour des individus jusqu’à l’âge de 30 ans au plus, et pas pour le sexe. Tout homme qui atteint l’âge de 30 ans à l’étranger paie dès ce jour l’impôt fixé à l’article 18. Toute famille qui va à l’étranger y faire l’éducation de ses enfants y est également soumise.

21) Par contre les voyages pour affaires sont exempts d’impôts et seront facilités de toute manière. Mais ils doivent être bien documentés à la Régence du gouvernement et leur terme fixé par celle-ci proportionnellement aux affaires.

22) La Régence du gouvernement où un voyageur est domicilié expédie, sans autres formalités que celles énoncées ci-dessus et celles pour le cas de dettes, les passeports pour toute espèce de voyage et en fait rapport au Ministre de Police et de l’Intérieur. En cas de sujets suspects elle fait avant d’expédier le passeport rapport au Ministre de Police et à celui des Affaires étrangères.

23) Enfin Nous ordonnons que pour chaque contravention tendant à se soustraire aux impôts prescrits par le présent Ukase le contrevenant soit tenu de payer une amende décuple de l’impôt total qu’il a à payer pour cet objet.

24) Si le produit de ces impôts joint à celui des impôts ordinaires surpasse la masse des besoins journaliers de l’État, le surplus sera accumulé dans la banque pour former un fond destiné à des besoins extraordinaires et urgents.

№ 4. Projet d’Ukase concernant la cessation de l’emprunt

L’expérience ayant appris que les capitalistes ne répondent pas à l’espérance et aux bonnes intentions du Gouvernement pour remplir l’emprunt annoncé par notre Manifeste du 3 Juin1 de cette année 1810, Nous ordonnons

1) Que cet emprunt cesse et que par conséquent il ne soit plus reçu de capitaux pour cet emprunt.

2) Les capitaux qui ont été fournis porteront leurs intérêts et seront remboursés selon les conditions du dit Manifeste.

3) Ceux qui préféreront retirer plus tôt leurs capitaux ont la liberté de le faire sitôt que bon leur semblera. Ils leur seront remboursés au même monnaie qu’ils les ont prêtés.

№ 5. Projet d’Ukase pour la vente des domaines

L’emprunt annoncé par notre Manifeste du 3 Juin de cette année 1810 n’ayant pas été rempli et devant par conséquent cesser, il est indispensable de changer en plusieurs points le mode de la vente des domaines qui avait été calculé sur cet emprunt. En conséquence de quoi Nous fixons ce mode par les articles suivants:

1) Il sera publié une liste de tous les domaines de la Couronne par gouverneurs, afin que les acheteurs soient mis à même de s’orienter à temps sur la vraie valeur de chaque partie de ces domaines.

2) Les ventes se feront au plus offrant, de 3 mois en 3 mois à commencer du 1er Février 1811, et à des jours fixés.

3) Les ventes auront lieu pour les domaines de chaque gouvernement dans la ville du gouvernement; le prix du plus offrant sera incessamment notifié au Ministre des finances qui Nous en fera rapport sans délai, sur quoi Nous ratifierons la vente si Nous jugerons le prix offrant suffisant, et Notre ratification ou refus sera notifié de même sans délai à la Régence du gouvernement.

4) Le prix de chaque domaine sera évalué en Roubles d’argent et payé moitié en argent, moitié en assignations, sans égard au cours, c.à.d. en comptant le Rouble en assignations égal au Rouble d’argent.

5) Les paiements se feront à termes de 6 mois en cinquièmes du prix, le premier terme se paiera au moment de la ratification et comme les suivants moitié en argent, moitié en assignations.

6) Pour la moitié qui doit être payée en argent il n’est pas nécessaire de fournir de l’argent monnayé. Au contraire comme Notre but en fixant la moitié du prix à payer en argent est de mettre plus d’argent en circulation, les acheteurs sont invités à présenter en paiement tout ce qu’ils ont de superflu ou tout ce qu’ils pourront se procurer en argenterie qui sera acceptée en raison de sa valeur intrinsèque, et que Nous ferons monnayer sur le champ.

7) Pour faciliter les achats à ceux qui ne seraient pas dans le cas de trouver en peu de temps l’argent nécessaire monnayé ou non monnayé Nous ordonnons que, quant à la moitié payable en argent, les deux premiers cinquièmes du paiement soient acceptés en assignations suivant le cours, si les acheteurs déclarent ne pouvoir se procurer l’argent nécessaire.

8) Tout acheteur est obligé de tenir strictement ses termes. Au cas qu’il ne puisse le faire il doit rendre la terre et perd 1/10 du prix. Le reste de ce qu’il a payé lui doit être remboursé sur le champ. Ce dixième de perte est le moindre dédommagement que la Couronne puisse prendre pour le délai de la vente.

9) Tout homme de condition libre, indigène ou étranger, est autorisé par le présent Ukase à l’achat de Nos domaines et obtient tous les droits de propriété à ce qu’il a acheté, à condition cependant que si le terrain qu’il a acheté est habité par des paysans liés au sol, il n’ait en aucune façon le droit d’exiger d’autres redevances des paysans que celles que Nous avons exigées jusqu’à présent, Notre volonté décidée étant que les paysans des domaines ne souffrent point en changeant de seigneur.

10) Les paysans quelconques, soit en particulier, soit en commune, ont droit d’acheter des domaines, et cette propriété sera regardée comme inviolable et hors de l’atteinte des prétention de leurs seigneurs, à qui au reste ils sont soumis comme auparavant pour les redevances antérieurement existantes. Nous ordonnons en outre que tout paysan, qui est devenu possesseur en vertu du présent Ukase, ait la liberté de soigner personnellement et à son gré sa propriété, sans qu’il puisse être gêné par son seigneur tant qu’il lui paiera les redevances ou fera faire le travail qu’il lui doit par un autre à ses propres frais. Enfin nul seigneur ne doit hausser ni les redevances ni le travail d’un tel paysan, mais l’une et l’autre doivent rester sur le même pied qu’avant le présent Ukase.

11) L’achat des domaines ne donne que les droits de propriété sur les terres achetées et les acheteurs restent dans la classe et le rang où ils étaient auparavant.

12) Le but de la vente des domaines est de diminuer la dette de l’État consistante dans les assignations et d’éviter une nouvelle augmentation de cette dette que des circonstances défavorables pourraient un jour rendre nécessaire. Elle cessera dès que ce but sera rempli. Pour cet effet les sommes provenant de cette vente seront employées de la manière suivante:

a) La moitié du prix, celle en assignations, sera anéantie à mesure qu’elle rentrera. Pour assurer Notre nation et l’Europe entière du véritable et certain anéantissement de ces sommes, Nous les brûlerons Nous-mêmes publiquement, et les numéros des billets brûlés seront publiés dans un article particulier de toutes les gazettes de Notre Empire. Les petits billets seront auparavant échangés en billets de 100 Rbl.

b) L’autre moitié du prix, s’il est en argent non monnayé, sera monnayé et ensuite échangé contre des assignations pour mettre plus de numéraire du métal en circulation. Ce qui en reviendra servira à former un fond destiné à n’être employé que dans les besoins les plus pressants de l’État. Pour cet effet il sera déposé à la banque comme un fond particulier et les rentes seront employées à couvrir le déficit de la capitation mentionné à l’article 7 de Notre Ukase du __ 1810 concernant la capitation. Le fond mentionné ne sera jamais employé à aucune dépense ordinaire, mais strictement réservé pour les besoins les plus urgents de l’État.

№ 6. Projet d’Ukase concernant les monnaies de cuivre

Depuis Notre avènement au trône Nous avons observé qu’il se commet des grands abus avec la monnaie de cuivre de Notre Empire. Malgré les sommes considérables que Nous avons fait battre d’année en année, cette monnaie disparaît petit à petit, apparemment dans les usines de cuivre et à l’étranger par voie de contrebande. Ces deux causes de la disparition de la monnaie de cuivre ont leur source dans une grande disproportion du prix du cuivre pour les ateliers et de la valeur numéraire de la monnaie. Cette disproportion va au double et plus. Nous sentons depuis longtemps le tort qui en revient à Nos sujets, surtout aux classes inférieures et aux officiers de la Couronne, et comme Nous Nous sommes enfin persuadés que des mesures ordinaires ne peuvent arrêter ce mal, Nous avons résolu d’employer une mesure décisive qui mette un frein à cette oppression de Notre peuple. Cette mesure ne peut consister qu’à mettre la valeur de la monnaie de cuivre au niveau de celle du cuivre dans le commerce. Pour cet effet il faudrait en refondre toute la monnaie de cuivre ou la remplacer comme Nous l’avions désiré par de la monnaie d’argent. Mais l’une et l’autre de ces opérations est beaucoup trop longue, quelque activité qu’y puissent mettre tous les hôtels des monnaies de l’Empire. Pour accorder ce bienfait à Nos sujets tout d’un coup et sans délai Nous renonçons volontiers à l’avantage que Notre trésor retirerait de l’une ou l’autre des deux opérations mentionnées et ordonnons:

Que du moment de la publication du présent Ukase les pièces de 5 copecks ayent la valeur numéraire de 10 copecs, celles de 2 copecs la valeur de 5 copecs, celles de 1 copecs la valeur de 2 copecs, celles de ½ copec la valeur de 1 copec, celles de ¼ copec la valeur de ½ copec. Outre la publication ordinaire du présent Ukase, Nous ordonnons que les prêtres de campagne lisent dans leur église les observations suivantes destinées à instruire le paysan du vrai sens du présent Ukase, immédiatement avant la lecture de l’Ukase même.

«S. M. I., ayant observé que les monnaies de cuivre deviennent de jour en jour plus rares quoique d’année en année Elle en fasse faire une quantité considérable, et sentant que c’est la classe la plus pauvre du peuple qui souffre surtout de cette disette de monnaie, a résolu d’y remédier d’une manière prompte et sûre. Les monnaies de cuivre disparaissent parce que le cuivre dont elles sont faites vaut plus que ce que les monnaies elles-mêmes valent. Huit pièces de 5 copecs pèsent une livre; donc une livre de monnaie de cuivre ne vaut que 40 copecs, tandis que dans la plupart des gouvernements une livre de cuivre acheté dans la boutique du marchand coûte 80 copecs et souvent plus. Des gens de mauvaise foi, qui ne se font pas conscience de voler la Couronne et le pauvre peuple, profitent de cette différence des prix, et fondent les monnaies de cuivre ou même transportent Notre monnaie de cuivre à l’étranger pour l’y vendre avec un grand profit. Ce mal en a produit un nouveau: dès que la monnaie de cuivre est devenue rare il s’est trouvé une autre espèce de fripons qui amassent cette monnaie pour la rendre encore plus rare et la vendre ensuite avec un profit de 10 jusqu’à 20 copecs par Rouble, en sorte que le pauvre qui ne peut pas se passer de cette monnaie est obligé de payer cette friponnerie. Or comme il est impossible de fixer le prix que le cuivre doit avoir dans le commerce, parce que le marchand doit être libre de faire ses prix, comme le paysan l’est pour ses denrées, il n’est resté à S. M. I. d’autre moyen de faire échec ces tromperies si nuisibles au pauvre peuple que d’ordonner que la valeur de la monnaie de cuivre soit doublée. Par là Elle ôte aux gens intéressés et fripons le gain qu’ils faisaient et donne cet avantage et bien plus encore à tout son peuple. Car en doublant ainsi la valeur de la monnaie de cuivre, non seulement les monnaies enfermées et sur lesquelles on voulait faire profit reparaîtront parce qu’on ne pourra plus faire ce profit, mais aussi toute la monnaie de cuivre que chaque particulier, chaque paysan possède a pour lui une double valeur et le rend d’autant plus riche. S. M. I. aurait pu s’approprier ce profit puisque c’est Elle qui donne la monnaie à ses sujets; mais Elle est satisfaite que ses sujets, et surtout les pauvres, aient tout l’avantage de ce changement des monnaies. Elle espère que le paysan comprendra ce changement aussi facilement que les autres classes de ses sujets, et s’accoutumera aisément à cette nouvelle valeur de la monnaie.»

№ 7. Projet d’Ukase concernant l’abolissement des Écus d’Albert

Après avoir discuté mûrement la question si le cours des monnaies étrangères dans Notre Empire est utile ou nuisible à l’État et après Nous être persuadé que le cours de toute monnaie étrangère apporte plus de dommage que d’utilité en ce qu’il influence le cours des assignations et renchérit les denrées dans les provinces où il a lieu, Nous ordonnons

1) Que toute monnaie étrangère soit mise hors de cours, qu’il n’existe dans Notre Empire de monnaie courante que les monnaies de l’Empire de métal et de papier, et que toute autre monnaie soit regardée comme marchandise.

2) Que dès la publication du présent Ukase les Écus d’Albert, demi-écus et quart d’écus, qui ont eu cours dans les gouvernements de Mitau et de Riga soient mis hors de cours et envoyés à Notre hôtel des monnaies de Saint-Pétersbourg. Les gouverneurs de ces provinces soigneront ces envois à Nos frais.

3) Nous aurons soin de faire repasser promptement en Roubles des sommes égales en valeur intrinsèque à celles qui auront été envoyées, en sorte que la marche du commerce ne soit arrêtée.

4) Quant à la petite monnaie courante dans ces deux gouvernements, elle restera dans le cours encore pendant une demi-année à compter de la date du présent Ukase; pendant ce temps elle sera remplacée petit à petit par la monnaie de cuivre. Pendant cet espace de 6 mois le Ferding vaudra 3 copecs en cuivre, le Mark – 6 copecs en cuivre, le Fünfer – 15 copecs en cuivre.

5) Tout marchand, tout particulier qui a quelque chose à vendre dans les gouvernements de Mitau et de Riga, est tenu d’accepter en paiement les monnaies de l’Empire sans aucune difficulté de même que les petites monnaies énoncées à l’article précédent au taux fixé, sous peine d’être puni comme désobéissant aux lois. Les monnaies de l’Empire n’ayant pas une valeur numéraire au-dessus de celle des monnaies étrangères et le taux des petites monnaies étant fixé sur les principes les plus équitables il ne peut exister de raison de contravention que de la mauvaise volonté et le désir de continuer un agiotage aussi punissable que pernicieux.

6) Tous les contrats faits dans l’intérieur en Écus d’Albert seront payé en Roubles d’argent selon la proportion de ces deux monnaies ou en assignations selon le cours. Aucun paiement de capitaux ou d’intérêts ne doit plus avoir lieu en Écus d’Albert.

7) Quant aux provinces autrefois polonaises où les Ducats ont cours, Nous Nous réservons pour la suite de donner les règlements nécessaires.

№ 8. Projet d’Ukase pour la perception des impôts de douane

L’expérience de cette année ayant prouvé que le cours des assignations a varié considérablement, et que c’est au détriment des revenus de la Couronne que Nous avions fixé par l’article 11 de notre Manifeste du 2 Février de cette année que pour la perception des impôts de douane l’Écu d’Albert serait accepté au taux de 4 Roubles en assignations, Nous ordonnons ce qui suit:

1) Les revenus de douane seront payés en assignations selon le cours.

2) Ils seront payés par chaque marchand à la fin de chaque tertial selon le cours moyen du tertial.

3) Les gouverneurs auront soin qu’il ne soit pas fabriqué de fausses listes du cours et seront responsables à cet égard de la défraudation qui pourrait avoir lieu.

4) Pour ne pas d’ailleurs gêner le marchand Nous n’exigeons pour les impôts de douane du tertial aucune caution; mais ordonnons qu’en cas de faillite d’un marchand les frais de douane dont il est débiteur soient prélevés sur la masse de concours, en sorte que les douanes n’aient jamais aucun déficit.

№ 9. Projet d’Ukase concernant les contrats faits en monnaie d’argent

La baisse des assignations, outre le tort général qu’elle fait à l’État entier, cause encore la ruine de quantité de familles qui vivraient d’ailleurs dans l’aisance et met de l’incertitude dans tout ce qui concerne les contrats. Surtout les propriétaires des terres endettés souvent sans leur faute, liés par des contrats faits sur Roubles d’argent ou écus, sans que leurs denrées soient montées à un prix proportionné à la baisse des assignations, ce qui d’ailleurs serait un grand tort pour les classes pauvres du peuple, se trouvent dans le plus grand embarras.

Soigneux d’éloigner autant qu’il est en Notre pouvoir toutes les sources de malheur pour les individus comme pour toute la nation, Nous n’avons pas attendu les réclamations formelles des familles souffrantes pour y remédier. Après avoir mûrement considéré la chose il ne s’est trouvé qu’un seul moyen qui s’accorde avec les principes d’équité et de justice, celui de partager la perte entre le capitaliste et le débiteur, et ce moyen aura en outre l’avantage de diminuer réellement la perte totale. Nous ordonnons par conséquent, au reste sans rien prescrire sur le cours pour le commerce intérieur ou extérieur, ce qui suit:

1) Les rentes de toutes les dettes contractées en monnaie d’argent, de même les revenus payés aux propriétaires des terres par leurs fermiers en vertu de pareils contrats, enfin toutes les rentes de famille faites par le possesseur d’un héritage à ses parents en suite d’arrangements fixés en monnaie d’argent, seront (les rentes courantes y comprises) dès ce moment payées en assignations au taux de 2 Rbl. en papier pour 1 Rouble en argent, jusqu’à ce que le cours des assignations soit remonté au moins jusqu’à ce point.

2) Le remboursement des capitaux qui échoiront avant ce temps se fera sur le même pied, avec cette restriction que le prêteur ne soit pas obligé d’accepter le remboursement, mais qu’il puisse forcer le débiteur à garder le capital sous les mêmes conditions jusqu’à l’époque où le cours sera remonté au taux de 2 Roubles en papier pour 1 Rbl. en argent.

3) Au cas que le cours des assignations, après être remonté au point susdit, retombât ensuite, le présent Ukase rentrera en vigueur, Notre dessein étant de prévenir pour la suite comme pour le présent les dérangements et désastres des familles.

4) Nous ne pouvons donner une plus forte preuve de la justice de la mesure que Nous prenons par le présent Ukase qu’en Nous y soumettant Nous-mêmes. Nous déclarons donc que Nous accepterons les rentes de tous les capitaux que Nous avons prêtés à différents corps de noblesse sous condition de remboursement ou paiement de rentes en Roubles d’argent, sous les mêmes conditions énoncées dans le présent Ukase et désirons que cette preuve de désintéressement que Nous donnons serve de modèle aux capitalistes et tarisse la source de mécontentement qu’ils pourraient ressentir.

159. G. F. Parrot à Alexandre I