Кафедра и трон. Переписка императора Александра I и профессора Г. Ф. Паррота — страница 78 из 183

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[Dorpat], 20 décembre 1810


Enfin, mon Bien-Aimé, j’apprends que Vous avez signalé Votre jour de naissance par l’Ukase bienfaisant qui ordonne que les rentes que la noblesse doit Vous payer en Roubles d’argent soient payés en papier à raison de deux Roubles. Mais d’un autre côté on assure que les députés de Riga sont parvenus à faire perpétuer leurs Écus d’Albert et on ajoute que cette négociation ne leur a coûté que 75 000 Écus! Ainsi l’agiotage se perpétuera et les pauvres précepteurs des écoles de district de Courlande et de Livonie, qui n’ont que 500 R. – c.à.d. moins de 100 Écus, mourront de faim. Le désespoir les fait déjà quitter en foule et nous n’en trouvons plus d’autres. Tout se tient dans la chaîne de l’État, et les Écus d’Albert ruinent l’instruction publique dans deux gouvernements.

S’il Vous fallait une nouvelle preuve, elle se trouverait dans le fait qui a lieu dans ce moment. Hambourg n’accepte plus de lettres de change de Riga. Le banquier Klein a reçu des protests nombreux, et dès l’arrivée de cette nouvelle le cours du papier russe remonte.

J’espère encore que le Nouvel An verra paraître les autres Ukases que je Vous ai proposés. Ne Vous laissez pas entraîner à de nouveaux délais, et surtout faites l’ouvrage en entier. Il est calculé sur toutes les branches de l’administration intérieure et extérieure.

Avez-Vous oublié la pauvre veuve Roth? Le tertial est à la porte. C’est une grâce qui ne Vous coûte rien, une justice en même temps. Veuillez donner ce rescript et ordonner que le Cabinet en donne copie au conseiller aulique Hehn de la Commission des lois, qui s’est chargé des affaires de la veuve. Ne Vous fâchez pas de mon importunité. Je n’ai point de canal. Je n’ai que Vous pour faire le bien; je méprise les autres voies.

Adieu, mon Bien-Aimé! Les vacances vont commencer; j’espère que ma santé se rétablira. Vous, Vous y pouvez beaucoup. Sauvez Votre Empire, Vous-même, et Votre tendre ami se portera bien. La tristesse est la plus grande source de son mal. Guérissez

Votre Parrot.

162. G. F. Parrot à Alexandre IER

[Dorpat], 15 janvier 1811


Il faut, mon Bien-Aimé, que ma dernière lettre de mois de décembre soit perdue; Vous n’auriez sûrement pas oublié la pauvre veuve Roth, pour laquelle je réitère ma prière de donner le rescript en question.

Le sujet bien important de ma lettre présente est l’Université, Votre université de Dorpat, qui est à la veille de perdre un des plus beaux articles de l’acte de fondation et des Statuts. Le § 14 de l’acte et le § 141 des Statuts portent que quand un professeur meurt et laisse une veuve et des enfants mineurs, non seulement la veuve mais aussi les enfants obtiennent chacun à part les appointements d’une année et en outre une pension du 5e ou du quart des appointements du défunt. Vous Vous souvenez sûrement que lors de l’acte de fondation le Comte Sawadofsky avait d’éternelles objections à faire et notamment sur ce point, et combien ces objections Vous étaient fastidieuses et à moi désolantes. Le résultat de ces objections et des traductions et copies réitérées qu’elles ont causées a été qu’il se trouve à présent quelques expressions équivoques sur ce point , que je n’ai pu élaguer et sur lesquelles le Comte Rasoumowsky s’appuie pour refuser aux orphelins la pension, s’il y a une veuve, à laquelle seule il veut accorder ce bénéfice simple. Le § 14 de l’acte de fondation dit expressément que ce bénéfice doit être accordé non seulement à la veuve, mais aussi aux enfants à part; le § 141 des Statuts dit que si le défunt laisse outre sa veuve des enfants mineurs ceux-ci doivent recevoir dans l’un et l’autre cas tout ce qui a été prescrit aux § précédents pour la veuve; et il n’existe d’ambiguité que dans quelques autres expressions générales qui, si elles étaient seules, laisseraient du doute si les enfants doivent obtenir leur bénéfice à part, mais dont le doute cesse dès qu’on lit les passages que je viens d’alléguer littéralement. Je ne suis pas le seul qui comprenne ainsi ce sens clair de Vos lois. Toute l’Allemagne l’a compris de même et c’est sur la foi de cet article que les étrangers acceptent des places à Dorpat. La plupart de nos professeurs déclarent hautement que c’est principalement cet article de l’acte de fondation qui les a attirés et réclament les droits de leurs enfants.

On veut objecter contre la loi formelle faite pour Dorpat que cet avantage n’a pas été donné aux autres universités russes. Est-ce notre faute qu’on n’ait pas suivi notre exemple? Bien plus; lorsque j’assistai aux séances du Directoire pour la révision des Statuts et que je fis voir que les 6000 Rbl. annuels que le Directoire avait fixés pour les pensions ne suffiraient pas dans certains cas et que je proposai les 10 000 Rbl. qui nous ont été accordés, on m’objecta alors, comme à présent, que les universités russes n’avaient pas cet avantage (notamment le Comte Sawadofsky et Murawieff), je répondis et insistai qu’on accorde le même prérogative aux autres universités. Et cela était si facile, sans Vous demander de nouveaux fonds, comme nous l’avons fait pour nous, uniquement par une sage distribution des revenus que Vous nous avez accordés et qui sont de 10 000 Rbl. moindres que ceux des autres universités. Mais là on a préféré accorder des avantages extraordinaires aux professeurs vivants, en fixant des appointements particuliers pour la direction des instituts de clinique, de chimie, de botanique, de physique, d’anatomie etc.1 tandis que nous nous sommes chargés de ces directions gratis pour laisser quelques avantages à nos orphelins.

La justice et l’équité sont de notre côté, et la politique parle également en notre faveur. Que dira l’Europe lorsqu’on apprendra qu’un sophisme prive nos orphelins de leur subsistance assurée si solennellement par Vos lois? Comment pourrons-nous nous recruter, surtout dans ces moments de crise où l’étranger redoute encore plus que nous la baisse de nos assignats? Nous avons six chaires vacantes; les professeurs meurent ou désertent, et personne ne veut les remplacer.

Mais j’ose, mon Bien-Aimé, Vous demander davantage. Retirez ce rescript qu’on Vous a extorqué par lequel chaque fois que l’université doit accorder une pension il faut Vous la demander comme une grâce spéciale. Cela est contre Vos propres lois. Ni l’acte de fondation ni les Statuts n’en parlent; ils expriment la loi des pensions formellement, sans restriction; c’est un contrat que Vous faites avec les professeurs et dont on ne doit plus Vous demander l’exécution, excepté dans les cas où l’université a des raisons d’outrepasser l’état des pensions fixé, cas où les Statuts disent expressément qu’alors on doit Vous demander cette grâce. Vous voyez que cela ne mène qu’à de mauvaises difficultés ou tout au moins à des longueurs et peut-être à enrichir le secrétaire du Ministre. Ce qui est légal ne doit plus être problématique. Et n’avez-Vous pas déjà trop à faire pour qu’on Vous occupe encore de pareilles choses? La vraie jouissance du souverain est de savoir que les lois font le bonheur de ses sujets, comme les lois de la providence celui de l’humanité. Mais vouloir que le souverain distille ses bienfaits goutte à goutte c’est demander que la providence fasse pour chaque individu et journellement des millions de miracles. Quelque peu attrayante que soit d’ailleurs une suprême puissance, sous ce point de vue je voudrais être Monarque. Les ministres n’auraient pas le mérite des grâces, mais la loi.

Je n’apprends rien de sûr concernant les affaires publiques. Vous avez puni un traitre2. On ajoute que Vous Vous brouillez avec la France, et que l’armée française évacue l’Espagne. Dois-je me préparer à la campagne? Dites-moi un mot, donnez-moi un signe de vie, de vie pour moi. Mon sort est de Vous aimer, de vivre et de mourir pour Vous. Votre cœur doit Vous le dire, et s’il ne Vous persuadait pas, mon opiniâtreté et mon importune véracité doivent Vous en convaincre. On dit que Vous avez fait la paix avec la Turquie ou que Vous la faites. Et la Perse? N’avais-je pas bien raison de Vous dire en Octobre que cette paix était bien pressante?

163. G. F. Parrot à Alexandre IER

[Dorpat], 12 février 1811


Je n’écris aujourd’hui qu’un mot à mon Bien-Aimé; mais ce mot est bien important: daignez-Vous en persuader. Je Vous avais déjà écrit à ce sujet.

L’orage s’avance. Napoléon se prépare à Vous envelopper dans le sort commun des rois de l’Europe. La Russie est le géant qu’il a encore à terrasser pour pouvoir mettre ensuite avec sûreté sa dynastie sur tous les trônes qu’il gouvernera comme ses vassaux.

La Suède, qui sous Gustav-Adolphe a décidé le sort de l’Allemagne, pourra mettre un poids considérable dans la balance du destin de la Russie. Le roi Joachim hésite peut-être entre les deux partis. Vous pourriez le gagner pour le Vôtre, car il ne peut regarder la couronne comme ferme sur sa tête qu’autant que Vous le reconnaîtrez. Du reste je suis persuadé qu’il tiendra ce qu’il Vous promettra. Bernadotte s’est toujours distingué parmi les généraux français par sa probité et sa loyauté, à qui il doit proprement sa couronne plus qu’au désir de Bonaparte de l’éloigner. Il fut à cet égard l’émule de Moreau et le surpasse en talent pour les affaires. Je regarde le parti qu’il prendra comme infiniment important, quoiqu’il n’ait pas des forces très considérables à mettre en campagne. Mais une petite diversion est souvent funeste. Employez Votre loyauté, toutes Vos qualités personnelles à le gagner.

Adieu, mon Alexandre chéri!

Votre Parrot

164. G. F. Parrot à Alexandre I