de règle de tous les détails minutieux, tels par ex. que les avancements dans les grades inférieurs au militaire comme au civil. Car ce n’est pourtant pas à Vous qu’en revient la reconnaissance. On n’en paie le tribut même au Ministre que rarement; les chefs de chancellerie, les femmes ou les maîtresses sont les dieux tutélaires qu’on révère. Par contre dirigez une attention sévère sur l’exécution de ce que Vous avez ordonné. Qu’on craigne partout de Vous voir paraître. Bientôt on aimera Votre apparition parce qu’on aura appris à se ranger à son devoir et espérera des récompenses. Ne soyez pas prodigue de dons honorifiques, mais soyez généreux en secours, car tous les petits officiers sont dans le besoin. Punissez les grands voleurs à l’armée avec sévérité selon les formes militaires, les petits avec compassion. C’est le moyen d’être rarement dans le cas de punir; les grands deviennent surveillants.
Je rêve à un être qui eût pu faire pour Vous ce que l’Impératrice Elisabeth eût fait5. Le prince d’Oldenbourg que Vous mettez à la tête du Conseil et que Vous élevez à la dignité de Grand-Duc, ne le pourra pas, même soutenu des talents de la Grande-Duchesse6. Son honnêteté, la noblesse de ses sentiments, le genre de ses connaissances n’ont pas assez de prix aux yeux vulgaires et en outre il Vous doit en ce moment trop de reconnaissance. – Cette idée m’afflige profondément. Pour le cas où, dénué de moyens, Vous espérez en vain le succès du zèle du prince et de l’activité des ministres, autorisez-moi à électriser l’Impératrice pour l’idée de Vous servir sans autre autorité que celle que Lui donnent la nature et son cœur. Dans de grands moments chacun se met à sa place, il ne faut que la volonté, cette volonté sublime qui semble commander aux circonstances.
Dieu puissant! C’est ta volonté que je sois inactif pour mon Alexandre, pour ton Bien-aimé7. Je m’y soumets puisqu’il le faut. J’attends ton moment.
Qu’il Vous protège, ce Dieu de bonté, qui doit Vous aimer pour Votre cœur, qui doit Vous guider puisqu’il Vous a placé dans une carrière si difficile. Puisse son premier soin être de fortifier Votre espérance pour cette guerre et par là Vous la faire faire avec assurance. Je l’ai, cette assurance mâle. Qu’elle passe dans Votre âme, qu’elle vivifie toutes Vos actions, qu’elle anime toutes Vos démarches, qu’elle électrise toute Votre armée! Voilà mes adieux. – Je finis pour ne pas m’attendrir. —
Votre Parrot
191. Alexandre IER à G. F. Parrot
[Saint-Pétersbourg, 21 mars 1812]1
Je Vous envoie les 1160 Rub. et la bague.
Je Vous remercie beaucoup pour le papier inclus dans Votre lettre; je l’ai lue avec émotion et sensibilité. Croyez-moi pour toujours.
Tout à vous.
[Paraphe]
J’avais parlé au Ministre de la guerre sur un témoignage à Vous donner de mon contentement pour les télégraphes et je l’avais chargé de sonder ce que pourrait Vous être le plus agréable. J’aime tout autant le faire directement par ces lignes et je Vous prie de me le dire franchement.
192. G. F. Parrot à Alexandre IER
[Saint-Pétersbourg], 21 mars 1812
Vous avez lu ma dernière lettre avec sensibilité et émotion. Je Vous en rends grâces, mon Alexandre! Vous me rendez par là heureux.
Quant à l’affaire de Spéransky, je ne puis que Vous prier encore de finir Votre tâche en éloignant Rosenkampff de toutes les affaires. Il ne fait que s’engraisser à la législation qu’il ne termine pas. N’attendez pas de plus fortes leçons de lui à cet égard. Vous serez applaudi et l’on verra que Vous n’attendez pas les manœuvres de la cabale pour perdre les traitres.
Vous voulez que je fixe Votre idée sur le témoignage de contentement que Vous voulez me donner. Je vais le faire avec la franchise d’un cœur droit aussi éloigné de la fausse modestie que de l’avidité.
Je n’ai point de sens pour les décorations si souvent prodiguées, et jamais personne ne m’obligera de cette manière. Vous savez que je ne voulais pas même mon petit Wladimir. Je n’ai d’autre vanité que celle de l’homme de lettres et de mériter dans toute son étendue mon titre de Professeur. Mais j’ai un vœu que Vous trouverez naturel. Je désire faire après la guerre un voyage d’un an ou 18 mois à l’étranger, revoir les lieux de ma naissance et rétablir ma santé délabrée. Je veux en outre voir les Coryphées de la physique et les grands établissements où cette science est cultivée avec tant de succès, pour mériter en m’instruisant davantage un rang distingué dans la littérature.
Mais ce n’est pas le moment de Vous demander ce don, mon Alexandre! Vous avez autre chose à faire; non que ce don peut être de conséquence pour l’Empereur de Russie. Mais l’exemple serait en ce moment pernicieux parce qu’il serait imité de ceux qui ne se contentent pas de peu. Vous avez besoin de toutes Vos ressources pour la lutte terrible où Vous allez entrer, qui décidera de Votre Empire et Votre vie – car je Vous connais! Vous tiendriez parole. Nous tous, Vos sujets, nous Vous devons tout notre dévouement, toutes nos forces, tous nos moyens pour Vous seconder, sans intérêt ni cupidité. Et moi, Votre ami! je Vous demanderais à présent une récompense pour le télégraphe, que j’ai inventé précisément pour cette campagne! Si le Ciel Vous ramène victorieux et qu’ensuite Vous veuillez penser à moi, alors j’accepterai volontiers la somme nécessaire pour le voyage que je désire faire.
Adieu, mon Bien-aimé, mon Alexandre chéri! Veuille le Ciel Vous conserver et Vous faire triompher! Il le fera, puisqu’il Vous aime.
Tout entier, toujours Votre Parrot
Pourquoi ne me permettez-Vous pas de Vous suivre à la campagne?!!
Annexe
G. F. Parrot à l’impératrice Elisabeth
[Saint-Pétersbourg], 20 mars 18121
Edelste Kayserin!
Ich habe das großmütige Geschenk für die Witwe Asmus, die Tochter des Probsten Roth, erhalten. Genehmigen Sie dass ich in ihrem Namen Ihrer Kayserlichen Majestät zum voraus aus der ganzen Fülle meines Herzens danke. Auch in meinem eigenen Namen bin ich Ihrer Majestät einem nicht geringen Dank schuldig, die Gelegenheit Ihnen, edle Kayserin, diese Zeilen schreiben zu dürfen. Indem ich das thun, versetze ich mich im Geiste in Ihrer Gegenwart. Es steigt in meinem Seele Ihr Bild rein und edel empor. Ich fühle mich, wie in Ihrer würklichen Gegenwart, besser, reiner, zu allen Guten und Trefflichen mächtig aufgefordert und auch fähiger.
Genehmigen Sie diese tiefgefühlte Huldigung meines Herzens dem unnennbaren Reitze, den die reinste Tugend über das ganze Wesen Ihrer Majestät ergossen hat. Sie ist dauernd, diese Huldigung, wie ihre Ursache, und wenn ich sie nicht so ausdrücken kann, wie ich sie fühle, so verzeihen Sie es der Sprache die dafür keinen Ausdruck haben kann.
Seyen Sie glücklich! Nur mit diesem Zurufe meines Herzens kann ich jede Unterredung mit Ihrer Kayserlichen Majestät schliessen.
Parrot
193. G. F. Parrot à Alexandre IER
Dorpat, 27 mars 1812
Je suis arrivé samedi soir malade, et pour surcroît de désagrément le colonel Ekesparre m’écrit qu’il n’a reçu ni ordre ni argent pour les télégraphes et qu’il a été par là forcé d’interrompre le travail déjà à moitié fait des deux premiers. J’ignore à quoi cela tient; mais ce qui me cause bien du chagrin est de voir que les idées que Vous adoptez et qui certainement Vous seraient utiles n’arrivent pas à l’exécution. Il en a été de même des balles de fusil elliptiques, que Vous aviez adoptées, pour lesquelles Vous avez même accordé une récompense énorme de 50 000 R. à l’inventeur, et qui malgré cela n’ont pas été exécutées. Ne me reprochez pas d’être arrivé trop tard avec les télégraphes. Depuis 2 ans et demi je suis en règle sur cette idée et si seulement les trois mois de mon séjour à Pétersbourg avaient été employés, le corps télégraphique serait à présent formé et à l’armée. Je me suis consumé dans les dernières semaines à en organiser l’exécution qui ne Vous coûterait pas plus de 15 000 Rbl. et un oubli rend mes peines, mes soins, la sacrifice de ma santé et, ce qui est bien plus important, Votre volonté, inutiles. Je préférerais avoir échoué dans les expériences.
J’ignore de même le sort de la nouvelle mitraille. Si les expériences ont réussi, veuillez, je Vous supplie, en hâter, presser, forcer l’exécution, du Pétersbourg ou de l’armée, car je ne sais où cette lettre Vous trouvera. Vous en connaissez l’importance.
Ne m’appelez pas un impatient pour le style de cette lettre. C’est Votre bien-être qui me rend tel. Plût au ciel que Vous eussiez une demi-dizaine d’impatients autour de Vous! Vos volontés seraient exécutées.
Conservez Votre attachement à Votre philosophe bourru. Son cœur en a besoin et le Vôtre. – Je compte sur Votre parole si Vous <êtes malheureux> avez des revers1. Adieu, mon Bien-Aimé, mon Alexandre chéri! —
Activité, fermeté, ténacité. —
194. G. F. Parrot à Alexandre IER
[Dorpat, au début d’avril 1812]1
J’ignore, mon Bien-Aimé, si cette lettre Vous trouvera encore à Pétersbourg; mais je la fais partir dans l’espoir qu’elle Vous suivra.
Les expériences avec la nouvelle mitraille n’ont pas réussi; cela me peine beaucoup. Un changement dans la boîte leur donnerait peut-être la propriété désirée2; mais le temps des expériences est passé et celui d’agir est venu; il faut savoir se détacher d’idées chéries.
Vous m’avez dit de Vous parler avec franchise sur le signe de satisfaction que Vous vouliez me donner pour les télégraphes. Permettez-moi de Vous prier de dire à Barklay où nous en sommes à cet égard; j’ai bien de présumer qu’il croit que, comme Vous avez voulu arranger la chose sans lui, Vous m’avez récompensé bien au-delà de ce qu’il croyait équitable. Je désire posséder l’estime de cet homme-là. Vous en avez peu qui lui ressemblent. – J’espère que comme Vous avez vu Ekesparre, Vous aurez pensé à lui donner les ordres précis pour le corps télégraphique. Je n’ai rien omis de ce que je pourrais faire pour son érection.