Кафедра и трон. Переписка императора Александра I и профессора Г. Ф. Паррота — страница 89 из 183

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[Dorpat], 15 mars 1822


Sire!

Vous avez rendu la tranquillité et la vie à la veuve Roth. Daignez recevoir ses actions de grâces et ses bénédictions; daignez recevoir celles de Votre Parrot qu’il Vous donne avec toute l’effusion de son âme. Vous avez rétabli le bonheur d’une famille délaissée. O! Sire! Les larmes d’attendrissement, les prières ferventes de tant d’êtres consolés par Vos bienfaits forment un nuage sublime sur lequel Votre âme s’élèvera un jour vers l’Eternel. Pardonnez-moi de Vous rappeler cette douce idée qui doit être chère à Votre noble cœur.

Me voilà retombé dans mon ancien style. Mais puis-je autrement, Sire, lorsque Vous faites un acte de bienfaisance qui me touche de près? Mais me pardonnerez-Vous si j’ajoute quelques lignes concernant un bienfait que Vous pouvez rendre à tout Votre Empire. On parle d’un changement dans le Ministère de culte et de l’instruction publique. Si cela est, Sire, veuillez donner à cet important département un chef protestant qui connaisse et aime la religion qu’il doit protéger (le procureur du Synode peut et doit être un tout autre individu), donnez un homme savant qui connaisse les sciences foncièrement et surtout les vrais principes de l’instruction publique et particulière. – Jetez un coup d’œil sur ce département. Vous verrez les universités russes désertes et les écoles livrées à un mécanisme sec et tuant. Même l’Académie des Sciences n’est plus que l’ombre de ce qu’elle était du temps des Euler, des Pallas, des Gmelin, des Lowitz. Votre nation, après vingt ans de Vos efforts pour naturaliser les sciences en Russie, doit croire enfin que cette naturalisation est impossible ou s’imaginer que le vernis qu’elle en a est la vraie science, et qu’on a son vrai esprit quand on fournit de nombreuses traductions. Sire! Un homme de génie et de connaissances vivifiera l’Académie, les universités et les écoles en y introduisant le vrai esprit de la chose à la place des formes tuantes qui se multiplient tellement (même à Dorpat) que bientôt il sera plus sûr et plus avantageux d’être homme d’affaires qu’homme de lettres; le nombre des officiers inutiles de chancellerie croît à vue d’œil et est devenu un rempart immense qui arrête la vue la plus perçante et la restreint dans des limites tirées au cordeau. Sire! Quand Votre nation connaîtra vraiment les Sciences et non seulement leurs dehors, alors Vous verrez aussi la vrai piété fleurir autour de Votre trône. L’hypocrisie a deux mains. De l’une elle saisit la Science, de l’autre la Religion. Veuillez, Sire, abattre ce monstre, également ennemi de l’une et de l’autre, et Vous verrez que l’esprit de l’Évangile, ce doux esprit de vérité, de résignation et d’humilité, régnera par Vous dans la Religion, dans les Sciences, dans l’administration. Vouloir fortement la vérité, c’est régner.

Votre Parrot

205. G. F. Parrot à Alexandre IER

Dorpat, 19 mars 1822


Sire!

Lorsque, le 15 de ce mois j’eus l’honneur de soumettre à V. M. I. mes idées en gros sur l’instruction publique de Votre Empire, je n’imaginais pas que, 24 heures après, les justes craintes que l’administration actuelle de cet important département m’inspirait, se trouveraient déjà réalisées d’une manière si éclatante. Ma conscience m’oblige, Sire, de Vous dénoncer un projet de réforme totale de l’instruction publique, imaginé par Mr. le conseiller d’État actuel de Magnitzky. Je sais qu’en attaquant ce projet j’attaque un homme puissant et par contrecoup le Ministre même qui veut faire sanctionner ce projet1. Mais lorsqu’il s’agit de l’instruction publique et de la gloire du règne de V. M. I., je ne connais pas le danger. Condamnez-moi, Sire, par quelque raison que ce soit, mais daignez lire d’abord la traduction littérale du rescript forcé de notre honnête et fidèle Curateur au Conseil de l’Université, puis mes observations basées sur la copie allemande ci-jointe du projet de Mr. Magnitzky, envoyée par le Comte Liewen à l’Université de Dorpat.

Je ne suis plus en possession du droit précieux que Vous m’aviez accordé autrefois de Vous écrire en particulier. Mais il est des bornes à tout et je me croirais criminel envers Votre Personne sacrée que je chéris toujours <à mon ancienne manière> comme autrefois , si cette considération m’empêchait de Vous découvrir l’abîme au bord duquel se trouve l’instruction publique de l’Empire et que l’on prend tout de soin à Vous cacher. Disposez, Sire, de moi comme Vous voudrez, mais entendez encore une fois la vérité par ma bouche, cette vérité qui pendant 10 ans a retenti dans Votre noble cœur.

Votre immuable Parrot

Annexe

Sur le mémoire de Monsieur le conseiller d’État actuel de Magnitzky, Curateur de l’arrondissement de Cazan concernant une réforme des écoles





Il résulte de cet examen que les causes du peu de progrès des écoliers indiquées par le Curateur de l’arrondissement de Casan ou n’existent pas, ou sont insuffisantes pour expliquer ce défaut presque absolu, qui lui-même ne peut pas exister. Il en résulte également que les causes indiquées de l’éloignement de la nation russe pour l’instruction n’existent pas, d’autant plus que cet éloignement n’a pas lieu. Au contraire tous les étrangers qui connaissent la Russie s’accordent à dire que le Russe s’instruit volontiers et facilement et qu’il ne lui manque à cet égard que la solidité dans l’instruction, le principal objet auquel le Ministère devrait viser. Ce jugement des étrangers, porté sur l’aptitude et la bonne volonté du Russe à s’instruire, se confirme évidemment par les nombreuses et riches donations faites par des particuliers et par les corps de noblesse aux universités et aux écoles, preuve éclatante de l’amour de la nation russe pour l’instruction qui contraste singulièrement avec le fait que dans les provinces baltiques rien de pareil n’a eu lieu. On sait au reste, sans souscrire pour cela aux assertions outrées de Mr. Magnitzky, que les écoles russes ne sont rien moins que florissantes, et c’est ici le moment d’en chercher les vraies causes.

Si l’on considère les progrès des écoliers, il faut distinguer les progrès apparents des vrais progrès. Les premiers ne manquent sûrement pas et je les ai retrouvés dans les écoles russes de Riga et de Reval qui rangent sûrement dans la classe des plus mauvaises écoles russes. Les vrais progrès par contre seront beaucoup plus rares. Mais la cause n’en réside pas dans l’éloignement de la nation pour l’instruction. Cette cause se retrouve dans le mécanisme qui s’est emparé de l’instruction, mécanisme qui met la mémoire beaucoup plus en réquisition que le jugement.

Si l’on considère la fréquence des écoles, on peut croire avec Mr.Magnitzky qu’elle devrait ou pourrait être beaucoup plus considérable. La cause de ce peu de fréquence est le défaut d’estime et de confiance qu’a le public en Russie pour les écoles et les universités russes. Le défaut d’estime ne peut être mieux constaté que par le Doclad du Comte Rasumofsky qui institue les inspecteurs honoraires, où ce Ministre dit que ces inspecteurs honoraires sont nécessaires pour élever les écoles de cercle dans l’estime du public1. Et de quelle estime les écoles peuvent-elles jouir, lorsque le Curateur de Casan, Mr. Rumofsky a, il y a environ 15 ans, fait chasser sans forme de procès quatre professeurs pour n’avoir pas voulu signer un compte frauduleux d’un Directeur de l’Université, Directeur qui n’existait en vertu d’aucune loi et contre l’existence duquel l’Université aurait dû protester dès les premiers moments de son existence2, – lorsque le Curateur du même arrondissement, Mr. Magnitzky, a fait chasser, également sans forme de procès, neuf professeurs dont l’un, Wrangel, au moins a tant de mérite qu’il a été placé bientôt après à l’Institut de Zarskoe Selo sous les yeux de l’Empereur3? Une nation qui voit avilir ainsi les premiers organes de l’instruction publique, peut-elle estimer les instituts qui gémissent sous cette verge de fer?

La confiance pouvait-elle naître, les corps des professeurs aux universités russes offrant un assemblage, on pourrait dire un pot pourri, de Russes, d’Allemands, de Français, de Hongrois, toujours en dissensions entre eux par les rivalités nationales. La nation russe, quelque peu claires que soient ses idées là-dessus, veut avoir une instruction publique nationale. Voilà le vrai sens de ses dons, de sa libéralité, de son enthousiasme pour les vues de l’Empereur régnant. Mais l’administration n’a pas su dans 20 ans la lui donner, et voilà la source du défaut de confiance. Nous allons voir si le projet de Mr. de Magnitzky est fait pour produire une instruction solide, pour augmenter la fréquence dans les écoles et pour établir l’estime et la confiance publique.







Tel est en gros le projet de réforme que Mr. de Magnitzky a imaginé pour l’instruction publique de l’arrondissement de Casan et que Mr. le Ministre approuve et désire faire effectuer autant que possible dans tout l’Empire. Il a été communiqué à cet effet au Curateur de l’arrondissement de Dorpat qui s’est empressé de demander l’avis de l’Université. L’Université, en sa qualité de représentant de l’instruction publique de son arrondissement, donnera son avis avec franchise et sans crainte, et dont le résumé sera: que ce projet n’est point applicable à l’arrondissement de Dorpat. Si les autres Curateurs consultent de même leurs universités en leur faisant part du désir du Ministre, parleront-elles avec loyauté, ayant l’exemple de tant de professeurs chassés de Casan par l’auteur du projet? Et si, contre leur persuasion, la crainte leur dicte leur avis, alors ce projet passera pour être le vœu unanime des universités russes, et l’Empereur pourra-t-il se refuser à lui donner sa sanction?

L’auteur de ces observations croit avoir rempli un devoir sacré en offrant au Monarque-Législateur un examen vrai de ce projet pernicieux.

206. G. F. Parrot à Alexandre I