Кафедра и трон. Переписка императора Александра I и профессора Г. Ф. Паррота — страница 92 из 183

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[Dorpat], 26 octobre 1824


Sire!

Tout concourt depuis quelques jours à me rappeler vivement les anciens, les beaux jours où j’osais me dire que Vous m’aimiez1. J’ai reçu un petit bas-relief de Votre portrait d’une ressemblance parfaite et j’ai vu la Grande Duchesse Marie, cette sœur incomparable qui sait Vous aimer, et ses deux charmantes Princesses qui rivalisent déjà avec leur mère en amour pour Vous. J’étais pénétré de joie à cet aspect à chaque mot qu’elles me disaient de Vous; mais un retour sur moi-même m’a resserré le cœur. Elles vont chez Vous; Vous les presserez contre Votre cœur, et moi? – Plus jamais!

Et cependant je devrais Vous voir, non seulement pour moi-même, mais surtout pour Vous. Vous êtes à la veille de signer un nouveau règlement général pour les universités et les écoles de Votre Empire, et à en juger par l’Ukase provoqué par les événements de Wilna que nous avons reçu dernièrement, il sera terrible pour l’instruction publique2. Sire! faites de moi ce que Vous voudrez, mais je Vous dois la vérité. Vous êtes au moment de tout détruire et de perdre la gloire que Votre instruction publique Vous a valu depuis 20 ans. Ces Grands, qui Vous proposent des règlements, ont beau flétrir la jeunesse, détruire les germes du génie et de la science. Les uns sont célibataires, les autres n’envoient pas leurs fils aux écoles et aux universités. C’est un père et un père dont les fils ont fait leurs études à ces instituts en mêmes temps méprisés et enviés, c’est un père qu’il faut consulter quand il s’agit de régler les destinées de la jeunesse, l’espoir des pères et des mères, le soutien futur du Gouvernement.

On n’a pas même consulté la Politique dont on parle tant dans ces dernières propositions qu’on Vous a faites. Par quelle raison parle-t-on à notre jeunesse de séditions ou de complots tramés en Pologne? Pourquoi doit-elle savoir cela? Ni le Livonien ni le Russe ne sont polonais. Ni l’un ni l’autre ne s’occupent prématurément d’idées politiques. Il est vrai qu’il n’a pas tenu au directoire de l’instruction publique que ces idées dangereuses ne germent dans la tête de nos écoliers lorsque, il y a trois ou quatre ans, on nous ordonne de faire instruire dans les gymnases l’histoire universelle dans ses rapports avec la Politique. Mais les Carbonari de la commission des écoles de Dorpat ont représenté très humblement qu’il y aurait quelque danger à imbuer de pareilles idées les têtes folles de la jeunesse et ne l’ont pas fait. À quoi mènent enfin toutes ces ordonnances, qui chargent les professeurs de tant de travaux hétérogènes? À faire naître un monstre qu’il faut étouffer ensuite. Solon ne prononça pas de peine contre le parricide disant que la jeunesse de la Grèce ne doit pas savoir qu’il a existé des parricides. Voilà l’esprit de la vraie législation. Le Gouvernement n’est-il pas assez fort pour, en tout cas, faire donner la verge à un écolier, sans lui dire d’avance qu’il est redoutable à l’État? Le roi d’Espagne vient de suspendre toutes les écoles de son royaume pour faire oublier à la jeunesse les idées libérales. C’est le plus sûr moyen de les perpétuer dans ces têtes à présent oisives.

Voilà pourquoi, Sire, je Vous demande d’aller à Pétersbourg, c.à.d. de Vous voir, car sans Vous Pétersbourg n’a pas d’attraits pour moi. Je sollicite cette grâce; je Vous presse de me l’accorder au moins pour une fois encore; je Vous conjure par Votre propre intérêt et par mon amour sacré pour Vous, qui ne veut pas me quitter, de ne pas me refuser. Dites-moi un mot, et je paraîtrai ou en particulier, ou officiellement, comme Vous jugerez à propos.

Doutez-Vous donc de mon honnêteté, de mes principes? Je ne parle pas de la connaissance intime que j’ai de cette partie, mérite fort ordinaire après vingt deux ans de travaux, mais qui manque totalement à Vos conseils qui ne voient les universités et les écoles que dans l’éloignement, sans idée de leurs rapports intérieurs, mais s’imaginent cependant qu’il suffit d’un coup d’œil pour juger et agir. Vous défiez-Vous de ma chaleur? À l’âge de 58 ans elle n’est plus immodeste et il ne dépend que de Vous de la calmer. Ai-je jamais été opiniâtre et n’ai-je pas souvent fait preuve de modération il y a 20 ans? Même contre Votre opinion!

Sire! J’ai cruellement souffert pendant dix ans voyant les données qu’on Vous fournit. Acceptez-en de nouveau quelques-unes de moi, ne serait-ce que pour la comparaison. Vous ai-je blessé de manière ou d’autre? Mais Vous savez qu’on se fait toujours au ton d’un homme pourvu qu’il soit vrai; et Vous avez aimé le mien pendant 11 ans. Vous l’aimerez de nouveau, ou bien Vous auriez changé de nature. Mais cela n’est pas; cent actions que je connais de Vous prouvent que Vous êtes encore intérieurement le même: le sensible, le magnanime Alexandre, l’ami de la vérité, quelque âpre que soit l’écorce dont Vous Vous enveloppez quelque fois.

Daignez répondre favorablement à

Votre Parrot.

211. G. F. Parrot à Alexandre IER

Dorpat, 14 décembre 1824


Oui, Sire! Pétersbourg peut être préservé pour l’avenir du retour des désastres du 7 Nov.1 Vous le pourrez sans faire un tort considérable à Vos finances. C’est avec une joie inexprimable que j’ose Vous l’assurer après un travail consécutif depuis la nouvelle du malheur. Votre âme sensible, déchirée de voir périr sous Vos yeux ces victimes de la fureur des éléments, n’a trouvé que dans le secours de Tout-puissant la force pour soutenir cet aspect. Permettez à la Science de Vous offrir à présent la seule consolation digne de Vous, l’assurance que Vous pouvez parer à ces maux pour l’avenir. Avec quelle satisfaction je Vous présenterais en ce moment mon travail! Mais je ne le puis, parce que je l’ai calqué sur la carte qui se trouve en tête de l’itinéraire de Pétersbourg de Schröder2, carte qui a l’an 1820 pour date et que j’ai dû par conséquent croire assez juste pour servir de base à mon travail, sauf les petits changements que les mesures immédiates prisent exprès sur les lieux apportent de règle aux plans de ce genre. Mais un hasard heureux m’a procuré ensuite la grande carte faite par ____ et datée de la même année, qui m’a prouvé que celle dont je m’étais servi est si totalement fausse que je dois rejeter mon travail. Cependant j’ai refait <à la hâte> les calculs en gros, dont le résultat est que le système de digues, tant en pierres qu’en terre, qui couvrira Pétersbourg, ne coûtera pas plus de 26 000 000 Rbl. Peut-être faut-t-il en outre un canal de décharge avec écluses, qui commence à la grande courbure de la Newa où ce fleuve majestueux change son cours du sud au nord en celui de l’est à l’ouest; et ce canal pourra coûter le quintuple de cette somme. La question si importante, si ce canal sera nécessaire ou non, ne pourra se décider que par un nivellement et la mesure de ce que le fleuve entier fournit d’eau dans un temps donné, travail qui exige un homme très versé dans les expériences qui ne se pardonne aucune erreur.

Il est inconcevable que le fondateur de Pétersbourg, qui avait séjourné en Hollande et pris des Hollandais à son service, n’ait pas placé sa nouvelle capitale là où la Newa coule du sud au nord, position inaccessible à l’océan et qui lui eût offert un port d’une sûreté absolue, et que l’ayant placée dans une position si exposée, il n’ait rien fait pour l’assurer contre l’océan. Il est encore plus inconcevable, qu’après plusieurs exemples d’inondations désastreuses, on n’ait rien fait à cet effet pendant un siècle entier.

A-t-on cru la chose impossible? Mais la Hollande prouve le contraire. A-t-on redouté les frais? Mais les pertes causées par une seule inondation les égalent ou les surpassent, et les milliers de personnes qui le 7 Nov. ont été la proie des éléments, quel prix mettra-t-on à leur vie? Et les angoisses de cette grande capitale à chaque tempête, les compte-t-on pour rien?

Sire! Telles sont les questions que Vous faites Vous-même à la génération du siècle passé. La postérité nous les fera si l’on abandonne Pétersbourg aux hasards de ces malheurs. Mais d’autres considérations viennent à l’appui de celles-là. On craint à juste titre que le 7 Nov. ne porte un coup funeste au crédit du commerce de Pétersbourg. Or l’on ne pare pas ce coup en déprisant les pertes , en laissant la perspective de celles qu’il peut faire encore. Il n’est qu’un moyen de faire revivre l’opinion de sûreté chez le marchand étranger; c’est que le Gouvernement déclare qu’on commencera avec le printemps prochain un système de travaux qui mettront Pétersbourg à l’abri des fureurs de la mer et qu’on emploie déjà cet hiver aux préparatifs.

Un autre motif encore plus pressant est la vraisemblance que ces ouragans se renouvelleront peut-être souvent; tant que le climat de nos contrées ne sera pas rétabli dans sa forme ordinaire, tant que nos étés seront froids et pluvieux et les hivers mous. L’on peut en outre, sans donner dans les prophéties météorologiques, regarder la période de temps où nous sommes comme très omineux, l’histoire des années 1720 jusqu’à 1730 fournissant 5 grandes inondations de Pétersbourg