Мост Мирабо [билингва] — страница 11 из 19

Devinrent bientôt moins funèbres

Le ciel et la terre perdirent

Leur aspect fantasmagorique

Les morts se réjouissaient

De voir leurs corps trépassés entre eux et la lumière

Ils riaient de leur ombre et l'observaient

Comme si véritablement

C'eût été leur vie passée

Alors je les dénombrai

Ils étaient quarante-neuf hommes

Femmes et enfants

Qui embellissaient à vue d'œil

Et me regardaient maintenant

Avec tant de cordialité

Tant de tendresse même

Que les prenant en amitié

Tout à coup

Je les invitai à une promenade

Loin des arcades de leur maison

Et tous bras dessus bras dessous

Fredonnant des airs militaires

Oui tous vos péchés sont absous

Nous quittâmes le cimetière

Nous traversâmes la ville

Et rencontrions souvent

Des parents des amis qui se joignaient

A la petite troupe des morts récents

Tous étaient si gais

Si charmants si bien portants

Que bien malin qui aurait pu

Distinguer les morts des vivants

Puis dans la campagne

On s'éparpilla

Deux chevau-légers nous joignirent

On leur fit fête

Ils coupèrent du bois de viorne

Et de sureau

Dont ils firent des sifflets

Qu'ils distribuèrent aux enfants

Plus tard dans un bal champêtre

Les couples mains sur les épaules

Dansèrent au son aigre des cithares

Ils n'avaient pas oublié la danse

Ces morts et ces mortes

On buvait aussi

Et de temps à autre une cloche

Annonçait qu'un nouveau tonneau

Allait être mis en perce

Une morte assise sur un banc

Près d'un buisson d'épine-vinette

Laissait un étudiant

Agenouillé à ses pieds

Lui parler de fiançailles

Je vous attendrai

Dix ans vingt ans s'il le faut

Votre volonté sera la mienne

Je vous attendrai

Toute votre vie

Répondait la morte

Des enfants

De ce monde ou bien de Г autre

Chantaient de ces rondes

Aux paroles absurdes et lyriques

Qui sans doute sont les restes

Des plus anciens monuments poétiques

De l'humanité

L'étudiant passa une bague

A l'annulaire de la jeune morte

Voici le gage de mon amour

De nos fiançailles

Ni le temps ni l'absence

Ne nous feront oublier nos promesses

Et un jour nous aurons une belle noce

Des touffes de myrte

A nos vêtements et dans vos cheveux

Un beau sermon à l'église

De longs discours après le banquet

Et de la musique

De la musique

Nos enfants

Dit la fiancée

Seront plus beaux plus beaux encore

 Hélas! la bague était brisée

Que s'ils étaient d'argent ou d'or

D'émeraude ou de diamant

Seront plus clairs plus clairs encore

Que les astres du firmament

Que la lumière de l'aurore

Que vos regards mon fiancé

Auront meilleure odeur encore

Hélas! la bague était brisée

Que le lilas qui vient d'éclore

Que le thym la rose ou qu'un brin

De lavande ou de romarin

Les musiciens s'en étant allés

Nous continuâmes la promenade

Au bord d'un lac

On s'amusa à faire des ricochets

Avec des cailloux plats

Sur l'eau qui dansait à peine

Des barques étaient amarrées

Dans un havre

On les détacha

Après que toute la troupe se fut embarquée

Et quelques morts ramaient

Avec autant de vigueur que les vivants

A l'avant du bateau que je gouvernais

Un mort parlait avec une jeune femme

Vêtue d'une robe jaune

D'un corsage noir

Avec des rubans bleus et d'un chapeau gris

Orné d'une seule petite plume défrisée

Je vous aime

Disait-il

Comme le pigeon aime la colombe

Comme l'insecte nocturne

Aime la lumière

Trop tard

Répondait la vivante

Repoussez repoussez cet amour défendu

Je suis mariée

Voyez l'anneau qui brille

Mes mains tremblent

Je pleure et je voudrais mourir

Les barques étaient arrivées

A un endroit оù les chevau-légers

Savaient qu'un écho répondait de la rive

On ne se lassait point de l'interroger

Il у eut des questions si extravagantes

Et des réponses tellement pleines d'à-propos

Que c'était à mourir de lire

Et le mort disait à la vivante

Nous serions si heureux ensemble

Sur nous l'еаu se refermera

Mais vous pleurez et vos mains tremblent

Aucun de nous ne reviendra

On reprit terre et ce fut le retour

Les amoureux s'entr'aimaient

Et par couples aux belles bouches

Marchaient à distances inégales

Les morts avaient choisi les vivantes

Et les vivants

Des mortes

Un genévrier parfois

Faisait l'effet d'un fantôme

Les enfants déchiraient l'air

En soufflant les joues creuses

Dans leurs sifflets de viorne

Ou de sureau

Tandis que les militaires

Chantaient des tyroliennes

En se répondant comme on le fait

Dans la montagne

Dans la ville

Notre troupe diminua peu à peu

On se disait

Au revoir

A demain

A bientôt

Beaucoup entraient dans les brasseries

Quelques-uns nous quittèrent

Devant une boucherie canine

Pour у acheter leur repas du soir

Bientôt je restai seul avec ces morts

Qui s'en allaient tout droit

Au cimetière

Sous les Arcades

Je les reconnus

Couchés

Immobiles

Et bien vêtus

Attendant la sépulture derrière les vitrines

Ils ne se doutaient pas

De ce qui s 'était passé

Mais les vivants en gardaient le souvenir

С'était un bonheur inespéré

Et si certain

Qu'ils ne craignaient point de le perdre

Ils vivaient si noblement

Que ceux qui la veille encore

Les regardaient comme leurs égaux

Ou même quelque chose de moins

Admiraient maintenant

Leur puissance leur richesse et leur génie

Car у a-t-il rien qui vous élève

Comme d'avoir aimé un mort ou une morte

On devient si pur qu'on en arrive

Dans les glaciers de la mémoire

A se confondre avec le souvenir

On est fortifié pour la vie

Et l'on n'a plus besoin de personne

Дом мертвых[39]

Морису Рейналю[40]

Дом мертвых стоял у кладбища

Примостившись к нему подобно монастырю

За его большими стеклами

Похожими на витрины модных лавок

Манекены не стояли а лежали

Со смертными гримасами вместо улыбок

Я в Мюнхене был уже две-три недели

Но случайно оказался впервые

Здесь где не встретил никого живого

И задрожал от страха

Увидав эту местную публику

Выставленную на обозрение

И принаряженную к похоронам

И вдруг

Мгновенно как память моя

В каждой из этих стеклянных клеток

Зажглись глаза

И апокалипсис

Небо наполнил ожившей толпой

А земля

Такая же плоская как в догалилеево время

Покрылась тысячью мифов застывших

Ангел алмазом провел по стеклам

И мертвые с потусторонними взглядами

Меня окружили со всех сторон

Но вскоре их лица и позы

Утратили эту мрачность

И небо с землею стали

Куда реальней

Мертвые веселели

Видя как снова тела их плотнели и света не пропускали

Они улыбались тому что опять обретали тени

И смотрела на них

Словно это и вправду была их прошедшая жизнь

И тогда я всех сосчитал

Оказалось их сорок девять

Женщин мужчин и детей

К ним на глазах возвращался их прежний облик

И теперь они на меня глядели со всей

Сердечностью

Нежностью даже

И таким дружелюбием

Что

Я внезапно решился и словно хороших друзей

Пригласил их скорей прогуляться поодаль

От руки не отняв руки

Напевая военные марши

Да простятся ваши грехи

Уходили мы дальше и дальше

Мы город пересекали

И то и дело встречали родных

Кого-то из тех кто скончался совсем недавно

И с собой уводили их

И было так мило и славно

Так весело среди них

Что вряд ли бы вы отличили

Покойников от живых

Выйдя за город

Все разделились

Тут к нам присоединились

Два всадника встреченных криком веселым

Из бузины и калины

Они

Вытачивали свистульки

И детям дарили их

А потом мы попали на сельский праздник

Партнеры держали друг друга за плечи

И пары кружились под цвеньканье цитры

Они не забыли все эти па